Responsabilité de l’acquéreur d’un fonds de commerce sur les contrats de distribution

par | 23 Oct, 2022 | Actualités juridiques

Responsabilité de l'acquéreur d'un fonds de commerce sur les contrats de distribution

En principe, la cession d’un fonds de commerce n’entraine pas la cession des contrats en cours. Toutefois, la loi prévoit la transmission légale de certains contrats.

Par exemple, l’acquéreur du fonds de commerce devra poursuivre les contrats de travail en cours (art. L.1224-1 CT). De même, certains contrats seront transmis de droit, par exemple, le bail commercial, les contrats d’assurance ou encore les contrats d’édition.

D’autres contrats peuvent également être transmis. Pour cela, il faudra les introduire dans l’acte de commerce. A défaut, de mention expresse dans l’acte de cession, les contrats ne seront pas transmis.

Dans un arrêt en date du 19 octobre 2022 (Cour de cassation – Pourvoi n° 21-16.169), la Cour de cassation se voit saisie de deux questions portant sur des faits relativement simples.

Une société ayant acquis un fonds de commerce refusait d’exécutait un contrat de distribution précédemment conclu avec un tiers, et qui n’était pas mentionné dans l’acte de cession.

Le tiers lésé, avait assigné le cédant et l’acquéreur du fonds de commerce, pour réclamer réparation du dommage subi à la suite de l’inexécution du contrat de distribution exclusive.

La Cour de cassation devait répondre à deux questions : l’une portait sur l’obligation par l’acquéreur d’une marque acquis lors de la cession d’un fonds de commerce de poursuivre un contrat de distribution ? l’autre sur la responsabilité du tiers acquéreur du fonds en tant que complice de l’inexécution du contrat de distribution ?

Aucune obligation de poursuivre le contrat de distribution par l’acquéreur d’une marque

Sur le premier moyen, la Cour de cassation considère que la cession du fonds de commerce comprenant la marque, n’implique pas l’obligation pour l’acquéreur du fonds de poursuivre le contrat de distribution en cours.

Pour cela, la cour confirme la position de la cour d’appel qui avait motivé sa décision sur le fait que le contrat de distribution n’était pas un contrat légalement transmis avec le fonds de commerce. Puis, que ce contrat n’était pas mentionné de manière expresse dans l’acte de cession du fonds de commerce.

Ainsi, la cour de cassation considère que : « La cession d’un fonds de commerce comprenant la cession de la propriété des droits sur des marques n’emporte pas cession du contrat de distribution exclusive des produits revêtus de ces marques. »

Dès lors, aucun fondement juridique ne pouvait imposer à l’acquéreur du fonds de poursuivre ce contrat.

Toutefois, la Cour de cassation laisse planer un doute sur la responsabilité civile de l’acquéreur au visa de l’article 1240 du code civil.

La responsabilité de l’acquéreur du fonds de commerce en tant que complice de l’inexécution du contrat ?

Pour rappel, depuis l’arrêt Bootshop du 6 octobre 2006, le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage. (Cass. ass. plén., 6 oct. 2006, n° 05-13255 : Bull. civ. ass. plén.).

Ainsi, la société lésée par la non-exécution du contrat de distribution, invoquait une collusion entre l’acquéreur et le cédant empêchant l’exécution jusqu’à son terme du contrat de distribution.

Au visa de l’article 1200 et 1241 du code civil, la Cour de cassation a considéré  que :

« En se déterminant ainsi, sans rechercher si la société Laboratoires de Biarritz international n’avait pas connaissance, lors de l’acquisition du fonds de commerce, de l’accord de distribution exclusive conclu par la société Les laboratoires de Biarritz et si elle ne s’était pas sciemment rendue complice de l’inexécution de cet accord par la société Les laboratoires de Biarritz, la cour d’appel a privé sa décision de base légale. »

Il est donc reproché aux juges de la cour d’appel de ne pas avoir vérifié si l’acquéreur du fonds de commerce n’avait pas connaissance du contrat de distribution et s’il n’avait pas sciemment été complice de l’inexécution du contrat par le cédant.

Cette solution peut paraître sévère. En effet, elle laisse présumer un manquement par l’acquéreur lors de la cession. Or, on voit mal la faute qui pourrait être reproché à l’acquéreur du fonds de commerce. En effet, l’acquéreur n’est pas responsable du comportement du cédant concernant des contrats qui ne sont pas transmis avec le fonds de commerce.

Toutefois, cette réponse de la Cour doit être modérée. En effet, il s’agit d’une cassation pour manque de base légale. De plus, lors du renvoi devant les juges du fond, il sera compliqué d’apporter des éléments de preuves démontrant que l’acquéreur s’est rendu complice de l’inexécution de l’accord.

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