Le droit de la consommation, dans sa quête de protection des consommateurs, établit des distinctions entre les acteurs en fonction de leur qualité. L’un des éléments centraux de cette distinction se manifeste dans la notion de « créancier professionnel », laquelle détermine le champ d’application de certaines règles spécifiques du code de la consommation, notamment celles relatives à la disproportion manifeste des engagements de caution.
La décision de la Cour de Cassation du 21 juin 2023, met en lumière cette notion, en l’espèce, dans un contexte de cession de parts sociales. En effet, cette affaire soulève la question de savoir si un associé, qui cède ses parts tout en accordant un cautionnement, peut être considéré comme un créancier professionnel au sens du code de la consommation.
Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 21 juin 2023, Arrêt n° 456 F-B
Les faits
Dans cette affaire, M. [U], associé majoritaire et dirigeant, a cédé ses parts (194 actions sur 200) dans une société dénommée [U] Forage Horizontal à une autre société, JLG Invest, représentée par M. [X]. La transaction devait être réglée en plusieurs échéances, et pour garantir ce paiement, M. [X] s’est porté caution solidaire au nom de JLG Invest. Cependant, alléguant un dol (c’est-à-dire une tromperie), JLG Invest et M. [X] ont engagé des poursuites contre M. [U], tandis que ce dernier a réclamé, en demande reconventionnelle, le paiement du solde restant dû pour la cession des actions à M. [X], en sa qualité de caution.
La procédure
La cour d’appel de Bourges a jugé que M. [U] était un « créancier professionnel » en vertu de l’article L. 341-4 du Code de la consommation (dans sa version antérieure à l’ordonnance de 2016), refusant ainsi de lui accorder le paiement du solde restant dû au titre du cautionnement de M. [X]. En effet, la cour d’appel avait considéré que l’article L.314-4 du code de la consommation était applicable compte tenu de la qualité de créancier professionnelle de M.U. Cette disposition étant applicable, la Cour d’appel avait considéré que le contrat de cautionnement était disproportionné.
Le problème de droit
L’enjeu central de cette affaire repose sur l’interprétation de la notion de « créancier professionnel » au sens de l’article L. 341-4 du Code de la consommation. Est-ce que l’associé majoritaire, qui cède les parts qu’il détient dans le capital social d’une société, est considéré comme un créancier professionnel, et donc soumis aux règles relatives à la disproportion manifeste du code de la consommation ?
La solution de la Cour de Cassation
La Cour de cassation a cassé la décision de la cour d’appel, statuant que M. [U] n’était pas un « créancier professionnel ». Elle a précisé que le fait pour un associé de céder des parts dans une société, ou d’être remboursé des avances qu’il a consenties à celle-ci, ne constitue pas en soi l’exercice d’une activité professionnelle, même s’il était le dirigeant de ladite société. Ainsi, les règles du Code de la consommation relatives à la disproportion manifeste ne lui étaient pas applicables.
Commentaire
Cette décision apporte des précisions sur la qualification de « créancier professionnel » au sens de l’article L. 341-4 du Code de la consommation. Elle établit que la cession de parts sociales par un associé-dirigeant ne le qualifie pas comme un « créancier professionnel », évitant ainsi d’appliquer les dispositions protectrices du Code de la consommation relatives à la disproportion du cautionnement.
Pour rappel, la disproportion du cautionnement est souvent invoquée contre les banques et autres établissements de crédit. En l’espèce, il semble que la Cour de cassation ait préféré limiter le champ d’application de ce texte aux établissements bancaire, ou à tout du moins, à de véritable créancier professionnel (entreprise, société), et non pas à un associé cédant proposant une offre échelonnée (crédit-vendeur).
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