Parmi les actes qui jalonnent la vie d´une société, il y a en a qui revêt une importance particulière : la cession des droits sociaux. Il s´agit d´une opération financière importante puisqu’elle qu’elle donne accès au capital.
Une promesse de cession de parts sociales permet de faciliter la cession tout en prévenant les litiges. Cela permet notamment de mettre en œuvre les pactes d’associés et d´organiser la sortie partielle ou totale d´un associé. Or, une promesse de cession de droits sociaux est un instrument juridique utile à condition d´être valide.
Nous profitons d´un arrêt de la Cour de cassation du 21 septembre 2022 (Com. 21 sept. 2022, F-B, n° 20-16.994) pour faire le point sur la notion de prix déterminable de la cession et de sa durée.
Sur les faits de la contestation
Au centre des faits présentés à la Cour, un salarié ayant acquis 500 actions auprès de la société mère du groupe, refusait de mettre en œuvre le pacte d’actionnaire, qui prévoyait la cession de ses actions en cas de rupture de son contrat de travail.
Le 22 mai 2020, la cour d’appel de Paris (CA Paris, 5-9, 22 mai 2020, n° 19/00974) a considéré que la promesse de vente était valable, et ordonné l’exécution forcée du pacte d’actionnaire. Mécontent, le salarié a formé un pourvoi en cassation et invoqué le fait que le prix n’était pas déterminable.
En effet, la promesse de cession prévoyait aux termes de l’article 6.2 du pacte « en cas de rupture résultant d’un licenciement, d’une révocation ou d’une démission pour quelque cause que ce soit, le Prix de cession des Titres acquis par le Salarié dans les 24 mois précédant la rupture ne pourra excéder le Prix d’acquisition des titres en question.«
Autrement dit, la promesse de cession prévoyait une limite sans toutefois définir le prix, ni mettre en place une formule permettant de calculer ce prix.
Une promesse de cession à un prix déterminé ou déterminable
Pour rappel, un prix déterminé est une pratique qui peut s’avérer dangereuse car la valeur des parts sociales ou des actions peut varier entre le jour de la promesse et le jour de la cession. Cette variation peut se faire tant à la hausse qu’à la baisse. Cela est d’autant plus hasardeux que beaucoup de temps peut passer entre une promesse et sa réalisation effective.
Dès lors, il peut être préférable d’opter pour un prix déterminable. La pratique la plus courante est de prévoir une méthode de calcul du prix futur des actions ou des parts. C´est sur base de la formule prévue dans la promesse qu’est calculé le prix de la cession (Cass. com., 23 nov. 1993, n°92-10.846)
Parfois, la méthode est très simple alors que dans d’autres cas, elle se révèle extrêmement complexe. Ce qui importe c´est que la méthode choisie pour déterminer le prix ne fasse pas dépendre celui-ci de la volonté de l’un ou de l’autre, voire d’un nouvel accord (Civ. 1er, 16 nov. 2016, n° 15-23.548). En effet, la condition suspensive ne doit pas être purement potestative (Cass. com., 22 sept. 2021, n°19-23.958)
Les critères de calculs doivent être objectifs et précis. Or en l’espèce, la cour de cassation reproche à la cour d’appel de ne pas avoir recherché si le prix était déterminable compte tenu des éléments nécessaires à sa détermination.
« que l’article 6.1 du pacte d’actionnaires fixe le prix de base de cession des actions de la société [M] gestion, dans la limite du plafond fixé par l’article 6.2 en cas de licenciement de l’actionnaire cédant ; qu’en affirmant, pour refuser d’annuler la promesse de vente I et la promesse d’achat I, que le prix était déterminable en ce qu’il avait été plafonné, bien que la détermination du prix de cession ait supposé de déterminer préalablement le prix de base, puis de le comparer avec le prix plafonné, de sorte que ce prix de base devait être déterminable, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l’article 1591 du même code. »
Selon la Cour de cassation, l’appréciation du caractère déterminable du prix est erronée. En effet, le plafonnement du prix ne constitue pas un prix déterminable.
Or, certains éléments permettaient de déduire le prix de cession. Toutefois, la Cour d’appel n’a pas effectué cette recherche. Ainsi, lors du renvoi, celle-ci pourra sans doute trouver matière à motivé sa décision pour expliquer que le prix était déterminable.
En outre, le requérant faisait également valoir que la promesse était nul compte tenu de l’absence de durée de son engagement.
Sur la durée de la promesse de cession
Le salarié invoquait également la nullité de la promesse en arguant du fait que le pacte d’actionnaires était un engagement perpétuel.
Toutefois, la sanction des engagements perpétuels n’est pas la nullité (Com. 8 février 2017, n° 14-28.232) mais la possibilité d’invoquer la résiliation (art. 1211 C. civil). Sur ce point, la Cour de cassation confirme la position de la cour d’appel, et rejette la demande du salarié.
« Les engagements perpétuels ne sont pas sanctionnés par la nullité du contrat mais chaque contractant peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable. »
Ainsi, une promesse de cession dont la durée est indéterminée n’encourt pas la nullité. Il sera simplement possible d’y mettre fin unilatéralement.
Nous le voyons, la rédaction et la mise en œuvre des promesses de cessions de parts ou d’actions nécessite une vigilance de tout premier plan.
Le cabinet vous conseille et vous assiste sur la rédaction des promesse d’actions croisées et en cas de conflits sur leur exécution.