La Cour de cassation a rendu le 20 avril 2022 (Civ. 1re, 20 avr. 2022, n° 20-19.043) une décision que nous trouvons à la fois étonnante et intéressante. La question est de savoir si une personne physique qui contracte un prêt personnel pour financer l’acquisition de parts sociales peut être considérée comme un consommateur ? N’est-ce pas plutôt une activité professionnelle ? L´enjeu est de taille puisque les règles diffèrent notamment en termes de prescription.
Les faits : le financement bancaire de parts sociales
Un couple marié avait financé l’acquisition de parts sociales par un prêt. Un détail qui n´en est pas un : le prêt ne précisait pas la société dont les parts allaient être acquises. La situation aurait été anodine s’ils n´avaient rencontré des difficultés de remboursement. La banque avait alors saisi les comptes du couple.
Les époux demandèrent en justice l’annulation de la saisie. Le premier juge leur donna raison en estimant que le délai de prescription de deux ans était dépassé. Pour cela, il se basa sur un texte réservé aux consommateurs, l’article L. 218-2 du Code de la consommation, qui prévoit que « l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ».
Le débat sur la notion de consommateur et ses conséquences
Mécontent avec cette décision de justice, l’organisme bancaire forma appel et fut entendu par la Cour d ´appel. Cette dernière estima à l’inverse que les époux n’étaient pas des consommateurs car le prêt était destiné à l’achat de parts sociales. La conséquence était que la prescription de deux ans réservée aux consommateurs devait être écartée au profit du délai de cinq ans de l´article L. 110-4 du code de commerce.
Nous voyons donc ici l’importance pratique de la qualification de prêt à la consommation sur la prescription.
Un pourvoi en cassation : les faits au cœur du débat
Le couple forma un pourvoi en cassation. Ce qu´il reprochait aux magistrats de la Cour d´appel était de les avoir considérés comme étant des professionnels en se basant uniquement sur l’objet de l’opération, à savoir la fameuse acquisition de parts sociales.
Selon les emprunteurs, il ne faisait aucun doute que la qualité de consommateurs devait s´appliquait ayant contracté en dehors leur activité professionnelle, et même s´il s´agissait de l´achat de parts sociales.
Au contraire, la banque défendait une position opposée. Les emprunteurs avaient acquis les parts sociales de la boulangerie dans laquelle ils étaient salariés. Ils étaient dès lors des professionnels.
La Cour de cassation s’est finalement rangée du côté des emprunteurs. Les hauts magistrats ont considéré que : « la personne physique qui souscrit un prêt destiné à financer l’acquisition de parts sociales ne perd la qualité de consommateur que si elle agit à des fins qui entrent dans le cadre de son activité professionnelle.
Pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale de l’action en recouvrement de la banque, l’arrêt retient que l’opération était destinée à financer l’acquisition de parts sociales, ce qui exclut que les emprunteurs puissent être considérés comme des consommateurs.
En statuant ainsi, alors que l’acquisition de parts sociales ne suffisait pas, à elle seule, à exclure la qualité de consommateur des emprunteurs, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »
En d´autres mots, ce n´est pas parce qu´un emprunteur achète des parts sociales qu´il cesse d´être un consommateur.
Toutefois, la solution aurait été différente si la banque avait pu démontrer que le prêt était destiné à l’activité professionnelle des emprunteurs.
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