Personne morale : définition, naissance, droits et responsabilités

par | 19 Juil, 2024 | Articles droit des sociétés, Exprime Avocat

La personne morale est une notion importante en droit des sociétés. Elle désigne une entité juridique distincte de ses membres et possède des droits et des obligations propres. Elle est parfois désignée sous le terme de « société ».

Cependant, celle-ci va au-delà de la « société » et englobe également d’autres types d’entités juridiques, telles que les associations, les fondations, les syndicats, et les collectivités territoriales. Par exemple, les associations, qui sont régies par la loi du 1er juillet 1901, peuvent se constituer sans but lucratif et acquérir la personnalité juridique par une simple déclaration en préfecture. Ces associations, bien qu’elles n’aient pas de vocation commerciale, possèdent des droits et des obligations propres, et peuvent agir en justice, posséder des biens et contracter des obligations.

En résumé, la personne morale est une construction juridique qui permet à divers groupements, qu’ils soient à but lucratif ou non, de bénéficier d’une existence juridique distincte de celle de leurs membres, leur conférant ainsi des droits et des responsabilités propres.

Afin de limiter le champ de l’étude, l’article sera circonscrit à la société au sens commerciale du terme, en exposant de manière synthétique la création, les droits, et les responsabilités de la personne morale, offrant une vue d’ensemble claire et précise pour mieux comprendre ce concept fondamental.

Définition

Une personne morale est une entité juridique créée par un groupement de personnes physiques ou d’autres personnes morales, qui se voit attribuer des droits et des obligations distincts de ceux de ses membres. Cette entité peut agir en justice, posséder des biens, contracter des obligations, et est soumise à des responsabilités civiles et pénales, tout comme une personne physique. La personne morale est dotée de la personnalité juridique, lui permettant d’exister en tant que sujet de droit autonome.

En matière de droit des sociétés, la personne morale représente l’entreprise commune créée par les associés (art. 1832 du Code civil).

Naissance de la personnalité morale

La naissance de la personnalité morale marque le point de départ de son existence juridique. Avant l’acquisition de cette personnalité, la société n’a pas de capacité juridique, ni de droits. La personnalité morale est acquise à la date de l’immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés (RCS).

En effet, les articles L. 210-6 du Code de commerce et 1842 du Code civil disposent que les sociétés jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation. Cette formalité permet de créer la société et d’établir une date certaine.

Pour obtenir l’immatriculation, les fondateurs doivent déposer les statuts de la société auprès du greffe du tribunal de commerce compétent. Cette immatriculation est rendue publique par une annonce au journal officiel et par son enregistrement au RCS. Ces informations sont faciles à connaître pour tous les tiers et figurent sur l’extrait K-BIS.

Identité de la société

L’identification de la société permet de différencier chaque entité juridique. Elle se compose essentiellement d’une dénomination sociale (nom), d’un siège social (adresse), et de son objet social (activité).

Dénomination sociale : La dénomination sociale est le nom officiel sous lequel une société est enregistrée et exerce ses activités. Elle permet l’identification de la société et doit répondre à certaines exigences légales. Celle-ci doit être unique et ne pas prêter à confusion avec celle d’une autre société déjà enregistrée. Cela évite les conflits et les risques de confusion dans les transactions commerciales.

Dès lors, avant de choisir une dénomination, les fondateurs doivent vérifier sa disponibilité auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI). Cette vérification permet d’éviter des litiges ultérieurs liés à l’utilisation de noms similaires.

De même, la dénomination ne doit pas être contraire à l’ordre public ni aux bonnes mœurs. Elle doit également respecter les réglementations spécifiques à certains secteurs d’activité.

Par exemple, la dénomination sociale ne doit pas être trompeuse ou prête à confusion avec une autre entreprise existante, ou encore ne doit pas contenir de termes injurieux ou diffamatoires. (En savoir plus sur la dénomination sociale).

Siège social : Le siège social est le domicile juridique de la société, où sont centralisées ses principales activités administratives et de direction. Il détermine la compétence territoriale des juridictions en cas de litige et l’administration fiscale compétente.

Le siège social doit être fixé dans les statuts de la société et doit correspondre à un lieu réel et physique. Il peut être situé au domicile du représentant légal, dans des locaux loués, ou dans un espace de coworking.

Toute modification du siège social doit être décidée selon les règles de modification des statuts et faire l’objet d’une publicité légale pour être opposable aux tiers. (En savoir plus sur le siège social).

Objet social : L’objet social définit l’ensemble des activités que la société se propose d’exercer. Il doit être précisé dans les statuts et doit être licite et déterminé. L’objet social doit être conforme à la loi et ne pas porter atteinte à l’ordre public. Il doit être suffisamment précis pour permettre de déterminer les activités de la société, tout en étant suffisamment large pour permettre une certaine flexibilité.

Une société ne peut pas exercer des activités qui ne sont pas prévues dans son objet social sans avoir modifié ses statuts. (En savoir plus sur l’objet social). 

Effets de l’immatriculation

À l’issue de l’immatriculation, la société reçoit un numéro SIRET, qui constitue son identifiant unique auprès des administrations et organismes publics. L’ensemble de ces informations constituent son identité.

Une fois immatriculée, la société acquiert la personnalité morale lui procurant une autonomie juridique qui la distingue de ses associés et dirigeants. L’immatriculation marque le début de la capacité juridique de la société, lui permettant de conclure des contrats, acquérir et posséder des biens, et ou engager des actions en justice.

Elle possède un patrimoine propre, composé de l’actif social (biens et droits apportés ou acquis) et du passif social (dettes et obligations)​​.

Avant cette immatriculation, la société ne peut pas agir en tant que telle. Toute action effectuée « par la société » avant son immatriculation est nulle et non avenue​​ (Cass. 1re civ., 5 juill. 1989, no 86-13.600 : Les engagements conclus par la société avant son immatriculation sont frappés de nullité absolue). Toutefois, ce principe connait une exception, celui de la « reprise des actes accomplis pour le compte de la société en formation.

Reprise des actes par la société en formation

En effet, il est possible de reprendre les actes accomplis pour le compte de la société avant son immatriculation sous certaines conditions. Ces actes doivent être spécifiquement repris par la société nouvellement immatriculée, selon les modalités prévues par l’article 1843 du code civil, à savoir :

– que cette reprise soit prévue par les statuts ;

– ou qu’ils soient ratifiés par l’assemblée générale des associés. »

Reprise par stipulation statutaire : Les statuts de la société peuvent prévoir explicitement la reprise des actes accomplis pour le compte de la société en formation. Cette clause statutaire permet une reprise automatique des actes dès l’immatriculation de la société.

Reprise par ratification de l’assemblée générale : Si les statuts ne prévoient pas la reprise automatique, les actes peuvent être repris par une décision de l’assemblée générale des associés après l’immatriculation. Cette décision doit être prise à l’unanimité des associés présents ou représentés.

Une fois les actes repris, ils sont considérés comme ayant été accomplis par la société elle-même dès l’origine. Cela implique que les droits et obligations résultant de ces actes sont intégrés dans le patrimoine de la société immatriculée.

La reprise des actes a un effet rétroactif, conférant à la société la qualité de partie aux contrats depuis leur conclusion initiale. Les engagements pris en son nom avant l’immatriculation deviennent opposables à la société comme s’ils avaient été souscrits postérieurement à l’immatriculation. (Cass. com., 5 oct. 2011 : Les actes repris par la société après son immatriculation sont réputés avoir été accomplis par elle dès l’origine).

Attention, avant la reprise, les fondateurs qui ont agi au nom de la société en formation peuvent être tenus personnellement responsables des engagements pris. Cette responsabilité subsiste jusqu’à la reprise effective des actes par la société immatriculée.

Les droits de la société

La personne morale, en tant qu’entité juridique, jouit de droits spécifiques. Ces droits se divisent en droits patrimoniaux et extrapatrimoniaux.

Droits patrimoniaux

Les sociétés, en tant que personnes morales, peuvent être titulaires de droits patrimoniaux. Cela signifie qu’elles peuvent posséder des biens meubles et immeubles, contracter des contrats et agir en justice. Dès lors, les sociétés gèrent un patrimoine distinct de celui de leurs associés (Article 1844-1 du Code civil).

Elles peuvent détenir des droits réels, comme le droit de propriété, et des droits personnels, tels que des créances. Par exemple, une société peut acheter des biens immobiliers, conclure des contrats de location, ou encore prêter de l’argent. Ces droits sont similaires à ceux dont disposent les personnes physiques, assurant ainsi une grande flexibilité dans la gestion des affaires de la société (Article 544 du Code civil).

Pour exercer leurs droits patrimoniaux, les sociétés doivent passer par leurs représentants légaux. Ces derniers, souvent les dirigeants ou administrateurs de la société, agissent au nom et pour le compte de la société. Cette délégation est nécessaire car la société, en tant qu’entité abstraite, ne peut agir directement (Article 1842 du Code civil).

Attention, certaines lois spécifiques restreignent la capacité des sociétés à jouir de certains droits. Elles ne pourront pas invoquer le droit de reprise pour habiter un logement, droit réservé aux personnes physiques ou encore bénéficier des dispositions spécifiques du code de la consommation.

Les droits extrapatrimoniaux des personnes morales

Les droits extrapatrimoniaux des personnes morales, bien que moins tangibles que les droits patrimoniaux, sont essentiels. Ces droits incluent notamment la dignité, la protection de l’image, ou de l’honneur.

Droit à la réputation et à l’honneur

Les personnes morales, comme les personnes physiques, ont droit à la protection de leur réputation et de leur honneur. La diffamation, par exemple, peut porter gravement atteinte à une société, affectant non seulement son image publique mais aussi sa viabilité économique.

Ainsi, la jurisprudence a confirmé à plusieurs reprises que les sociétés peuvent être victimes de diffamation. De même, la Cour de cassation a également reconnu que les personnes morales peuvent être victimes de dénonciation calomnieuse, renforçant ainsi leur protection contre les accusations infondées (Cass. crim., 22 juin 1999, n° 98-80.593).

En outre, la jurisprudence a aussi établi que les sociétés peuvent obtenir réparation pour atteinte à leur image, comme dans le cas où une entreprise subit un dommage moral suite à la publication de fausses informations nuisant à sa réputation (Cass. com., 15 mai 2012, n° 11-10.278).

Enfin, il est à préciser que la société peut également engager une action en cas de dénigrement de ses biens et ses services, par une action en concurrence déloyale.

Attention, il est important de ne pas confondre l’action en diffamation qui vise à protéger leur réputation (Cass. crim., 10 juillet 1937, fondée sur l’article 29 de la loi du 1881) de l’action en dénigrement (art. 1240 C. civil) qui vise à sanctionner des propos dénigrant sur les biens et services de la société.

Droit d’auteur

Concernant le droit de la propriété intellectuelle, les sociétés ne peuvent être considérées comme des auteurs à titre originaire.

Toutefois, les sociétés peuvent également bénéficier de droits moraux en tant qu’auteurs d’œuvres collectives (Cass. 1re civ., 15 janv. 2015, n° 13-23.566). Par exemple, une personne morale investie à titre originaire du droit d’auteur sur une œuvre collective créée à son initiative et divulguée sous son nom peut exercer toutes les prérogatives attachées à ce droit, y compris le droit moral (Cass. 1re civ., 22 mars 2012, n° 11-10.132).

La responsabilité des personnes morales

La responsabilité des personnes morales, et essentiellement invoqué en terme contractuelle. Celle-ci relevant donc de la responsabilité civile. Toutefois, la responsabilité pénale de la société peut également être poursuivi en cas d’infraction pénale.

Responsabilité civile

La responsabilité civile des sociétés peut être contractuelle ou extra contractuelle.

Responsabilité contractuelle : La responsabilité contractuelle des personnes morales intervient lorsqu’une société ou une autre entité juridique ne respecte pas ses engagements contractuels. En cas d’inexécution fautive, la société peut être tenue de réparer le préjudice causé.

Responsabilité extracontractuelle : La responsabilité extracontractuelle des personnes morales est engagée pour des dommages causés en dehors de tout cadre contractuel, généralement en raison de fautes commises par leurs organes ou représentants, fondée sur 1240 du code civil. De même, la société est responsable des choses qu’elle a sous sa garde et des agissements de ses préposés. Cela inclut les dommages causés par des objets ou installations appartenant à la société ainsi que les fautes commises par les employés dans l’exercice de leurs fonctions (Cass. 2e civ., 27 avr. 1977, no 75-14.761) ou encore en cas de manquements aux obligations environnementales.

Responsabilité pénale des personnes morales

Pour engager la responsabilité pénale d’une personne morale, l’infraction doit être commise par ses organes ou représentants. Les représentants incluent également les salariés munis d’une délégation de pouvoirs leur conférant la compétence, l’autorité et les moyens nécessaires pour agir (Cass. crim., 25 mars 2014, no 13-80.376).

Caractéristique de l’infraction 

  • L’infraction suppose la commission de l’élément matériel et de l’élément moral de l’infraction par les organes ou représentants. Cela inclut tant les infractions intentionnelles que non intentionnelles (article 121-2 code pénal).
  • L’infraction doit également être commise pour le compte de la société. Cela signifie que l’acte délictueux doit être réalisé dans l’intérêt de la société, ou plus généralement en vue d’assurer son fonctionnement, même si aucun profit direct n’en résulte pour elle (Cass. crim., 24 mai 2005, no 04-86.813). En revanche, si le représentant agit pour son propre compte et dans son intérêt personnel, la responsabilité pénale de la personne morale ne sera pas engagée.

Sanctions et poursuites

Les sanctions encourues par les personnes morales peuvent inclure des amendes, la dissolution, l’interdiction d’exercer certaines activités, ou la publication de la décision de condamnation. La jurisprudence a également admis que la société peut être poursuivie en tant que complice si ses organes ou représentants ont aidé ou incité une infraction commise par un tiers (C. pén., art. 121-2).

Mécanismes alternatifs aux poursuites

Face aux défis de l’application de la responsabilité pénale des personnes morales, le législateur a développé des mécanismes alternatifs tels que la composition pénale et la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP). La loi du 23 mars 2019 a étendu la composition pénale aux personnes morales, sous condition de reconnaissance de la responsabilité par une personne habilitée (CPP, art. 41-3-1 A). Ainsi, la CJIP, introduite par la loi du 9 décembre 2016, permet aux personnes morales de transiger avec le parquet pour éviter un procès pénal en payant une amende et/ou en se soumettant à des programmes de conformité (CPP, art. 41-1-2).

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