Faisant application d’une décision de la CJUE, la cour de cassation a considéré que les articles L. 133-18 et L. 133-24 du code monétaire et financier ne faisaient pas obstacle à la mise en œuvre, par la caution de l’utilisateur des services de paiement, de la responsabilité contractuelle de droit commun de la banque. (Cass. com., 9 févr. 2022, n°17-19.441).
Rappel de la règle de droit
Par principe, le banquier est tenu à une obligation générale de vigilance. En matière de virements bancaires, le devoir de vigilance impose au banquier de mettre en garde son client sur une opération suspecte. Dans ce cas, le banquier devra demander de confirmer l’ordre de virement lorsque ce dernier paraît anormal (anomalie apparente, intellectuelle ou matérielle). A défaut, il commet une faute de négligence pouvant engager sa responsabilité.
En outre, le code monétaire et financier prévoit également des dispositions spécifiques sur l’opération de paiement non autorisée ou mal exécutée.
L’article L. 133-18 du CMF dispose que, « en cas d’opération de paiement non autorisée signalée par l’utilisateur dans les conditions de l’article L. 133-24, le prestataire de services de paiement du payeur doit lui rembourser le montant de l’opération et, le cas échéant, rétablir le compte débité dans l’état où il se serait trouvé si l’opération n’avait pas eu lieu. »
L’article L. 133-24 précise que l’utilisateur doit signaler à son prestataire l’opération non autorisée ou mal exécutée au plus tard dans les treize mois suivant la date de débit sous peine de forclusion, à moins que le prestataire ne lui ait pas fourni ou n’ait pas mis à sa disposition les informations relatives à cette opération de paiement.
Ces articles ont été instaurés dans le code monétaire et financier par une transposition des articles 58 et 60 de la directive 2007/64/CE concernant les services de paiement dans le marché intérieur, dite directive « DSP1 ».
La question de droit
En l’espèce, une banque a consenti à une société une ouverture de crédit en compte courant, garantie par le cautionnement solidaire d’une personne physique. Après avoir dénoncé cette ouverture de crédit, la banque a assigné en paiement la caution, qui a soutenu que la banque avait commis une faute en procédant à des virements, sans autorisation, vers des sociétés tierces, et que leur montant devait venir en déduction de la créance.
Par arrêt du 6 avril 2017, la cour d’appel a déclaré la caution irrecevable en ses contestations pour forclusion, en retenant que la société débitrice du compte courant disposait d’un délai de treize mois pour contester ces opérations en application de l’article L. 133-24 du code monétaire et financier.
La caution a formé un pourvoi en cassation soutenant que l’article L. 133-18 du code monétaire et financier, ne faisait pas obstacle à ce que la responsabilité contractuelle de la banque soit retenue sur le fondement de droit commun de l’articles 1147 du code civil,
En effet, si le régime spécial prévoit un délai de forclusion de 13 mois, le régime de droit commun bénéficie d’un délai de prescription de 5 ans qui pouvait permettre à la caution d’agir sur ce fondement. Il s’agissait de savoir si les dispositions du code monétaire sont exclusives et exclues la possibilité pour la caution d’invoquer le régime de responsabilité de droit commun.
Par un arrêt du 16 juillet 2020, la Cour de cassation a saisi la Cour de justice de l’Union européenne (la CJUE) de deux questions préjudicielles portant sur l’interprétation de l’article 58 de la directive 2007/64/CE (Cass. 16 juillet 2020, nº 17-19.441) :
1er question : L’article 58 de la directive 2007/64 […] doit-il être interprété en ce sens qu’il instaure, pour les opérations de paiement non autorisées ou mal exécutées, un régime de responsabilité du prestataire de services de paiement exclusif de toute action en responsabilité civile de droit commun ?
2ème question : En cas de réponse affirmative à la première question, le même article s’oppose-t-il à ce que la caution de l’utilisateur de services de paiement invoque, à raison des mêmes faits, la responsabilité civile de droit commun du prestataire de services de paiement, bénéficiaire du cautionnement, pour contester le montant de la dette garantie ? »
La réponse de la CJUE et décision de la Cour de cassation
La CJUE a répondu par un arrêt du 2 septembre 2021 (CJUE, 2 sept. 2021, aff. C-337/20) en indiquant que :
– L’article 58 et l’article 60, paragraphe 1, de la directive 2007/64/CE du Parlement européen et du Conseil, […] doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’un utilisateur de services de paiement puisse engager la responsabilité du prestataire de ces services sur le fondement d’un régime de responsabilité autre que celui prévu par ces dispositions lorsque cet utilisateur a manqué à son obligation de notification prévue audit article 58.
– L’article 58 et l’article 60, paragraphe 1, de la directive 2007/64 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce que la caution d’un utilisateur de services de paiement invoque, en raison d’un manquement du prestataire de services de paiement à ses obligations liées à une opération non autorisée, la responsabilité civile d’un tel prestataire, bénéficiaire du cautionnement, pour contester le montant de la dette garantie, conformément à un régime de responsabilité contractuelle de droit commun.
Dès lors, à défaut de signaler l’opération de paiement non autorisée dans un délai de 13 mois, l’utilisateur des services ne pourra pas engager une action sur la responsabilité de droit commun. Toutefois, il en sera autrement pour la caution qui pourra agir indépendamment du signalement opéré par l’utilisateur de service de paiement. Cette solution semble logique.
Si le client de la banque est informé des opérations sur son compte bancaire il en est différemment de la caution. Il est donc cohérant de restreindre son action dans le délai de 13 mois à compter de l’opération non autorisée, contrairement à la caution qui n’a pas, en principe, accès à ces informations.
Ainsi, faisant application de la décision de la CJUE, la cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel rendu le 6 avril 2017 en considérant que les articles L. 133-18 et L. 133-24 du code monétaire et financier ne font pas obstacle à la mise en œuvre, par la caution de l’utilisateur des services de paiement, de la responsabilité contractuelle de droit commun de la banque. (Cass. com., 9 févr. 2022, n°17-19.441).
Le cabinet vous assiste en cas de contentieux lié à une opération de paiement non autorisée et en demande de remboursement.