Ordre public : définition, application et évolution

par | 18 Oct, 2024 | Exprime Avocat, Vie quotidienne

La notion d’ordre public est l’un des fondements du droit administratif, constituant l’un des principaux objectifs des autorités administratives lorsqu’elles exercent leur pouvoir de police. Ce concept englobe l’ensemble des règles et mesures destinées à maintenir la sécurité, la tranquillité, la salubrité publiques, et plus récemment, la dignité de la personne humaine. Il s’agit d’un concept évolutif et complexe, qui repose à la fois sur des éléments matériels (la sécurité des biens et des personnes) et des éléments plus abstraits, comme les valeurs morales ou le respect de la dignité humaine.

En outre, la notion d’ordre public, bien qu’au centre du droit administratif, se déploie également dans plusieurs autres branches du droit, sous des formes adaptées à chaque domaine. Cet article explore comment l’ordre public est appréhendé et appliqué dans les différents domaines du droit.

Ordre public en droit administratif

L’ordre public est l’une des notions essentiuelles du droit administratif. Il s’agit d’un concept protéiforme, qui évolue au gré des circonstances sociales, politiques et économiques.

Défnition de l’ordre public

En droit administratif, l’ordre public désigne l’ensemble des conditions nécessaires à la vie en société, permettant de maintenir la paix sociale. C’est une notion d’équilibre entre les droits individuels et les impératifs collectifs. Elle trouve son fondement dans l’article L.2212-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) qui énumère les composantes de l’ordre public comme suit :

  • la sécurité publique,
  • la tranquillité publique,
  • la salubrité publique.

Ces composantes définissent un cadre dans lequel les autorités administratives, notamment le maire ou le préfet, peuvent intervenir afin d’assurer le bon fonctionnement de la société et de prévenir des troubles susceptibles de porter atteinte aux intérêts publics.

Les composantes de l’ordre public

La sécurité publique

La sécurité publique correspond à la protection des individus contre les atteintes à leur intégrité physique et aux biens. L’administration a pour mission d’anticiper et de réprimer toute forme de violence ou de dégradation. Elle s’étend à la prévention des accidents, des infractions et des catastrophes naturelles ou technologiques. En pratique, les mesures de police administrative visent souvent à prévenir des troubles liés à des manifestations, des événements sportifs, ou encore des situations de crise.

La tranquillité publique

La tranquillité publique concerne la protection des citoyens contre les nuisances sonores ou autres troubles affectant la qualité de vie. Cette composante est particulièrement visible dans les règlements municipaux sur le bruit ou les restrictions d’activités nocturnes. Le maire, en tant qu’autorité de police municipale, dispose de pouvoirs étendus pour réglementer cette tranquillité au niveau local, notamment à travers des arrêtés de police municipale.

La salubrité publique

La salubrité publique vise à protéger la santé des individus contre les dangers liés à l’environnement. Elle inclut des domaines tels que l’hygiène, l’environnement et l’urbanisme. Le contrôle sanitaire des eaux, la gestion des déchets ou encore la prévention des épidémies relèvent de la salubrité publique, où l’administration peut intervenir pour limiter les risques sanitaires pour la population.

L’extension contemporaine de l’ordre public : la moralité publique et la dignité humaine

La moralité publique

Au fil du temps, la notion d’ordre public s’est élargie, intégrant des composantes moins matérielles comme la moralité publique. Cette extension a été particulièrement affirmée par le célèbre arrêt Société Les Films Lutetia de 1959, dans lequel le Conseil d’État a reconnu que les autorités de police pouvaient interdire une projection cinématographique jugée immorale, dès lors que cette atteinte à la moralité publique correspondait à des circonstances locales particulières.

Cependant, l’interdiction sur la base de la moralité publique reste soumise à un contrôle strict, le juge administratif veillant à ce que cette interdiction ne porte pas une atteinte disproportionnée aux libertés fondamentales, notamment la liberté d’expression.

La dignité humaine

Le Conseil d’État a également reconnu la dignité humaine comme une composante de l’ordre public dans l’arrêt Commune de Morsang-sur-Orge de 1995. Dans cette affaire, l’interdiction du « lancer de nain » a été justifiée non pas par des risques pour la sécurité, mais par la nécessité de respecter la dignité humaine, composante immatérielle de l’ordre public.

La dignité humaine a pris une importance croissante dans le champ de la police administrative, notamment dans les questions éthiques et les droits fondamentaux. Par exemple, des mesures peuvent être prises pour interdire certaines pratiques, même consensuelles, qui porteraient atteinte à cette notion, comme des spectacles dégradants.

Les limites de l’ordre public : respect des libertés publiques

Les pouvoirs de l’administration en matière d’ordre public sont vastes, mais ils ne sont pas illimités. En effet, les mesures prises doivent respecter les libertés publiques et les droits fondamentaux, consacrés notamment par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et la Constitution. Ainsi, l’administration doit justifier d’un trouble à l’ordre public suffisant et ses actions doivent respecter le principe de proportionnalité, c’est-à-dire que les mesures de police ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour maintenir l’ordre public.

Le contrôle exercé par le juge administratif sur les mesures de police est rigoureux, et les décisions sont annulées si elles apparaissent excessives ou insuffisamment justifiées. Le juge administratif veille à l’équilibre entre le respect de l’ordre public et les droits et libertés des individus.

L’ordre public étendu aux autres matières du droit

L’ordre public se retrouve également dans des domaines tels que le droit pénal, le droit civil, le droit constitutionnel, et le droit international privé.

L’ordre public en droit civil

En droit civil, la notion d’ordre public se révèle comme une limite à l’autonomie de la volonté des parties. Elle joue un rôle crucial dans l’annulation des conventions et des actes contraires aux principes essentiels de la société.

L’ordre public contractuel

En matière contractuelle, le principe de la liberté contractuelle est une règle fondamentale, permettant aux parties de déterminer librement le contenu de leurs accords. Cependant, cette liberté est bornée par l’ordre public. Selon l’article 6 du Code civil, les conventions ne peuvent déroger aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs. Ainsi, un contrat qui contreviendrait à une norme d’ordre public (ex : un contrat illicite, immoral ou dérogeant aux principes fondamentaux) sera frappé de nullité absolue.

Exemple : un contrat portant sur une activité illégale, comme un contrat de vente de stupéfiants ou un contrat en violation des lois protectrices des droits des consommateurs, sera jugé nul pour atteinte à l’ordre public.

L’ordre public familial et successoral

Dans le droit de la famille, l’ordre public est également une notion importante. Certains principes, tels que l’indisponibilité de l’état des personnes, sont intangibles. Par exemple, les dispositions législatives relatives à la filiation, au mariage, ou encore à l’autorité parentale sont d’ordre public. Ainsi, les parents ne peuvent renoncer à leurs obligations d’entretien de leurs enfants, car ces règles visent à protéger des valeurs jugées essentielles pour la société.

En matière de successions, le respect des droits des héritiers réservataires est également une règle d’ordre public. Le législateur impose, dans le but de protéger certains membres de la famille, que certaines parts du patrimoine (la réserve héréditaire) ne puissent être léguées à des tiers, même par volonté testamentaire. Cela empêche ainsi les testateurs de priver totalement leurs descendants de leur héritage, ce qui serait contraire à l’ordre public successoral.

 L’ordre public en droit pénal

En droit pénal, l’ordre public constitue un pilier fondamental justifiant l’intervention de l’État pour réprimer les comportements considérés comme nuisibles à la société. Il incarne ici la protection des valeurs fondamentales nécessaires au maintien de la paix sociale.

La répression des infractions

Les infractions pénales perturbent l’ordre public en violant les règles essentielles de la vie en société. L’État, à travers le système pénal, intervient pour prévenir et réprimer les comportements susceptibles de porter atteinte à la sécurité, à la moralité ou à l’intégrité des personnes et des biens. La violence, le vol, la fraude, et les infractions contre la sécurité de l’État sont autant d’atteintes à l’ordre public qui justifient des sanctions pénales.

La notion d’ordre public répressif

L’ordre public répressif en droit pénal se manifeste par la capacité de l’État à utiliser la force coercitive pour faire respecter les lois. Ainsi, la poursuite et la sanction des infractions ne relèvent pas uniquement des intérêts des victimes, mais également de la nécessité de restaurer l’ordre public compromis par l’acte délictueux. Ce mécanisme se matérialise par l’intervention systématique du ministère public, garant de l’ordre public, dans les procédures pénales.

L’ordre public en droit constitutionnel

En droit constitutionnel, l’ordre public revêt une dimension fondamentale puisqu’il se rapporte à la préservation de l’État de droit et au bon fonctionnement des institutions républicaines. La notion est souvent mobilisée pour restreindre certaines libertés publiques dans des conditions strictement définies par la Constitution.

L’encadrement des libertés fondamentales

Les libertés constitutionnelles, telles que la liberté d’expression, la liberté de réunion ou la liberté d’association, peuvent faire l’objet de restrictions dans le but de maintenir l’ordre public. Ainsi, l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose que les droits fondamentaux peuvent être limités par la loi pour préserver l’ordre public. Ces limitations doivent cependant respecter le principe de proportionnalité, qui exige que les atteintes portées aux libertés soient strictement nécessaires et proportionnées au but poursuivi.

Exemple : les manifestations publiques peuvent être interdites ou réglementées si elles présentent un risque sérieux de trouble à l’ordre public, mais l’interdiction doit être motivée et ne peut être générale ou absolue.

Les mesures d’exception

En période de crise, l’État peut être amené à prendre des mesures d’exception, telles que l’état d’urgence ou l’état de siège, pour garantir l’ordre public. Ces mesures, prévues par l’article 36 de la Constitution et la loi de 1955, permettent d’accroître temporairement les pouvoirs de police administrative et judiciaire afin de rétablir l’ordre. Toutefois, le recours à ces mesures doit être encadré par un contrôle strict afin d’éviter les abus et garantir le respect des droits fondamentaux.

L’ordre public en droit international privé

L’ordre public joue également un rôle crucial en droit international privé, notamment pour empêcher l’application de lois étrangères ou reconnaître des décisions étrangères qui seraient contraires aux principes fondamentaux du droit français.

La clause d’exception d’ordre public

En droit international privé, la clause d’ordre public permet aux juges français de refuser d’appliquer une loi étrangère ou de reconnaître une décision étrangère lorsque celle-ci est manifestement incompatible avec les valeurs essentielles de la société française. L’article 6 du Code civil prévoit que « l’on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs. »

Exemple : une décision étrangère autorisant la répudiation d’une épouse sans son consentement pourrait être refusée en France en raison de son opposition aux principes d’égalité entre les sexes, jugés d’ordre public en France.

L’ordre public atténué

Cependant, la Cour de cassation a développé la notion d’ordre public atténué, en vertu de laquelle l’ordre public ne s’applique pas de manière aussi rigide dans les relations entre étrangers. Ainsi, la loi étrangère peut être appliquée sous certaines conditions, même si elle diffère des principes français, dès lors qu’elle ne heurte pas de manière excessive l’ordre public international.

L’ordre public face aux nouveaux défis contemporains

L’ordre public en droit administratif doit sans cesse s’adapter aux évolutions de la société. Le développement des nouvelles technologies, la montée des menaces terroristes, les risques environnementaux croissants sont autant de défis que l’administration doit relever pour garantir un ordre public efficace et respectueux des droits.

La cybersécurité

Avec la digitalisation croissante de la société, la cybersécurité est devenue une nouvelle composante essentielle de la sécurité publique. L’administration doit assurer la protection des systèmes informatiques et des données personnelles face aux cyberattaques, tout en conciliant cette protection avec le respect de la vie privée et des libertés numériques.

La sécurité environnementale

Les questions environnementales, telles que le dérèglement climatique ou les pollutions massives, ont un impact direct sur la salubrité publique. Le droit administratif évolue pour permettre aux autorités de police de prendre des mesures préventives en matière d’écologie, notamment en matière de gestion des risques industriels et naturels.

 

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