OPE – Offre Publique d’Échange : définition et stratégies dans les fusions-acquisitions

par | 17 Jan, 2024 | Articles droit bancaire, Exprime Avocat

L’offre publique d’échange (OPE) est une opération complexe et stratégique dans le domaine des fusions et acquisitions (M&A). Contrairement à l’OPA (offre publique d’achat) qui propose aux actionnaires de la société cible un paiement en numéraire pour acquérir leurs actions, l’OPE se distingue en proposant l’échange des actions de la société acquéreuse contre celles de la société cible. Ce type d’opération revêt des enjeux juridiques, financiers et stratégiques spécifiques, notamment en matière de valorisation, d’équilibre des pouvoirs entre les entreprises concernées, et de respect des intérêts des actionnaires.

Cadre juridique de l’OPE

En France, les OPE sont régies par le Code de commerce et le Règlement général de l’Autorité des marchés financiers (AMF). L’article L. 433-1 du Code monétaire et financier et les articles L. 225-148 et L. 225-149 du Code de commerce fixent les bases juridiques des OPE, en imposant des obligations de transparence et d’égalité de traitement entre les actionnaires. L’AMF veille à ce que les opérations soient menées dans des conditions équitables pour l’ensemble des parties prenantes, en assurant que toutes les informations nécessaires à l’évaluation des titres échangés soient disponibles pour les actionnaires de la société cible.

L’OPE doit également respecter la directive européenne relative aux offres publiques d’acquisition, notamment en matière de protection des investisseurs et de transparence des opérations transfrontalières. Les aspects fiscaux des OPE sont également encadrés, avec des régimes spécifiques permettant parfois la neutralité fiscale de l’opération pour les actionnaires concernés.

Déroulement de l’OPE : Les étapes

Le processus d’une OPE suit plusieurs étapes strictement encadrées, garantissant la transparence et le respect des droits des actionnaires.

Déclenchement de l’OPE

L’OPE est généralement déclenchée par l’entreprise acquéreuse dans le cadre d’une stratégie de croissance externe ou de consolidation du marché. L’offrant soumet une proposition d’échange de ses actions contre celles de la cible, en fixant un rapport d’échange, c’est-à-dire le nombre d’actions offertes pour chaque action détenue par les actionnaires de la cible.

Ce rapport est souvent déterminé sur la base de la valorisation boursière des deux sociétés, et peut inclure une prime par rapport au cours de la cible, dans le but de rendre l’offre attrayante pour ses actionnaires. L’évaluation des titres échangés fait l’objet de plusieurs analyses financières et peut inclure des critères comme les bénéfices futurs attendus, les actifs nets, ou la position concurrentielle des entreprises concernées.

Approbation et publication

Une fois l’offre formulée, elle doit être approuvée par les conseils d’administration des deux entreprises. Si l’OPE est « amicale, » elle est généralement soutenue par les organes dirigeants des deux sociétés, tandis qu’une OPE « hostile » peut être lancée sans l’accord de la direction de la cible.

L’offre est ensuite soumise à l’AMF pour approbation. L’AMF exige que toutes les informations pertinentes soient disponibles pour les actionnaires, incluant notamment les documents de référence, les rapports d’expertise indépendante, et les objectifs stratégiques de l’opération. Cette transparence permet aux actionnaires de prendre une décision éclairée.

Période d’acceptation

Les actionnaires de la cible disposent d’une période d’acceptation, généralement de plusieurs semaines, pour accepter ou refuser l’offre d’échange. Pendant cette période, des offres concurrentes peuvent être soumises, obligeant la société acquéreuse à ajuster son offre pour rester attractive.

Issue de l’OPE

L’OPE peut aboutir à différentes issues en fonction du taux d’acceptation de l’offre.

  • Succès total : Si l’acquéreur obtient une majorité suffisante (généralement plus de 50 %), il prend le contrôle de la société cible.
  • Succès partiel : Si le seuil de majorité n’est pas atteint, mais que l’offrant obtient une part significative, il peut décider d’ajuster sa stratégie en tant qu’actionnaire minoritaire ou lancer une nouvelle OPE.
  • Échec : Si l’offre est refusée par une majorité des actionnaires, l’opération échoue, et l’acquéreur doit reconsidérer ses options stratégiques.

Les enjeux juridiques et financiers de l’OPE

Valorisation des titres

L’un des aspects les plus sensibles d’une OPE est la détermination du rapport d’échange, qui repose sur la valorisation des titres des deux entreprises. Une mauvaise valorisation peut entraîner des contestations judiciaires de la part des actionnaires de la cible, qui pourraient considérer que leurs actions sont sous-évaluées.

Le multicritère d’évaluation est souvent utilisé pour déterminer le rapport d’échange, prenant en compte les actifs, la rentabilité future, le chiffre d’affaires, et la situation économique des entreprises. Le rôle des experts indépendants est crucial pour éviter les litiges et assurer l’équité de l’opération.

Traitement des actionnaires minoritaires

Dans le cadre d’une OPE réussie, les actionnaires minoritaires de la société cible peuvent se retrouver en position désavantageuse. Le droit offre plusieurs protections, notamment à travers le mécanisme de retrait obligatoire (« squeeze-out ») si l’acquéreur détient plus de 90 % du capital ou des droits de vote après l’opération. Ce mécanisme permet à l’acquéreur de forcer le rachat des actions restantes, assurant ainsi une consolidation complète.

Aspects fiscaux

Les OPE bénéficient souvent d’un régime fiscal favorable. En France, sous certaines conditions, les plus-values réalisées lors de l’échange d’actions dans le cadre d’une OPE peuvent être neutralisées fiscalement jusqu’à la cession ultérieure des titres reçus. Cela encourage les actionnaires à accepter l’échange sans impact fiscal immédiat.

OPA et OPE combinées

Une OPE peut être combinée avec une OPA, en offrant aux actionnaires le choix entre une contrepartie en numéraire (OPA) et une contrepartie en actions (OPE). Ce type d’offre mixte élargit les options des actionnaires et peut augmenter le taux d’acceptation, tout en limitant la dilution pour l’acquéreur en réduisant la proportion d’actions à émettre.

Les stratégies de défense contre une OPE hostile

Comme pour les OPA, les OPE hostiles peuvent être source de tensions et de conflits entre les entreprises. Plusieurs stratégies défensives sont à la disposition de la société cible pour se prémunir contre une OPE hostile, notamment :

  • Le chevalier blanc : Rechercher un autre acquéreur pour contrecarrer l’offre initiale.
  • Le poison pill : Émettre de nouvelles actions pour diluer la participation de l’offrant hostile.
  • Les pactes d’actionnaires : Encourager les principaux actionnaires à conclure des accords empêchant la vente de leurs actions.

Exemples pratiques d’OPE en France et en Europe

Plusieurs opérations d’envergure ont marqué l’histoire des OPE en France, notamment dans les secteurs des télécommunications, de l’énergie, et de la finance. L’un des exemples les plus emblématiques est l’OPE lancée par Veolia pour acquérir Suez, une opération de plusieurs milliards d’euros visant à créer un géant mondial des services aux collectivités.

L’OPE a permis à Veolia d’acquérir les actions de Suez en offrant un rapport d’échange attractif, tout en maintenant une structure de capital solide. 

Conclusion

L’Offre Publique d’Échange (OPE) est un outil fréquent dans les opérations de fusion et acquisition boursière, permettant à une société de prendre le contrôle d’une autre en échangeant des actions plutôt qu’en mobilisant des liquidités. Le cadre juridique et financier qui entoure ces opérations est strictement encadré, garantissant la transparence et la protection des intérêts des actionnaires.

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