Arrêt du 6 novembre 2024 – Cour de cassation – Pourvoi n° 23-11.616
Faits et procédure
En janvier 2012, la société Bbr Plaine a acquis un immeuble pour un montant de 24 326 000 euros et a bénéficié d’une exonération des droits de mutation sous réserve de son engagement de revendre le bien dans un délai de cinq ans, conformément à l’article 1115 du Code général des impôts (CGI). Cependant, au terme de ce délai, seule une partie du bien avait été revendue, pour un montant de 8 774 000 euros. En conséquence, la société a acquitté les droits de mutation pour la portion non revendue, soit un montant de 680 412 euros, et a informé l’administration fiscale de la situation.
L’administration fiscale a contesté le non-respect total de l’engagement de revente et, en janvier 2017, a notifié une proposition de rectification portant sur les droits de mutation initialement exonérés, assortis d’intérêts de retard calculés à compter du 1er mars 2012. L’Administration a ensuite émis un avis de mise en recouvrement (AMR) pour les intérêts de retard d’un montant de 157 821 euros. Suite au rejet de sa contestation, la société a assigné l’administration fiscale en décharge des intérêts de retard, contestant la date à partir de laquelle ils avaient été calculés.
Moyens et question de droit
La société Bbr Plaine argue que, bien que son engagement de revente n’ait pas été intégralement respecté, les intérêts de retard ne devraient courir qu’à partir de la rupture de cet engagement, c’est-à-dire en 2017, et non rétroactivement à compter de 2012. Elle invoque les articles 1115, 1840 G ter et 1727 du CGI pour affirmer que les droits ne sont exigibles qu’au moment où l’engagement n’est plus respecté, et donc que les intérêts de retard doivent débuter à partir de cette date de rupture.
Motivation et décision de la Cour de cassation
La Cour de cassation rappelle le cadre légal des articles 1115, 1840 G ter et 1727 du CGI. Ces dispositions combinées stipulent que, en cas de non-respect de l’engagement de revente, les droits de mutation initialement exonérés deviennent immédiatement exigibles et les intérêts de retard commencent à courir à compter de la date où ces droits auraient dû être acquittés en l’absence d’engagement, soit ici dès le mois suivant l’acquisition de l’immeuble, en mars 2012.
Ainsi, la Cour rejette le pourvoi en affirmant que l’application des intérêts de retard à compter de cette date initiale est conforme aux dispositions légales. La société aurait donc dû prévoir la possibilité de non-respect de son engagement et se conformer aux conditions d’exigibilité dès l’origine de l’acquisition. La Cour confirme que l’administration fiscale a correctement appliqué les textes en réclamant les intérêts de retard rétroactivement, depuis la date théorique initiale de paiement des droits de mutation.
Portée de la décision
Cet arrêt met en évidence l’application stricte des dispositions fiscales en matière de régimes de faveur sous conditions. La Cour réaffirme que le non-respect d’un engagement, tel que celui de revente, entraîne une déchéance rétroactive du régime de faveur et rend les droits et intérêts exigibles depuis la date à laquelle ils auraient dû être acquittés en l’absence de cet engagement. Cette interprétation est défavorable aux contribuables, car elle implique une rétroactivité des intérêts de retard, même en cas de bonne foi, si l’engagement initial n’est que partiellement respecté.