Le connaissement maritime : définition, rôle et portée juridique

par | 8 Oct, 2024 | Exprime Avocat

Le connaissement maritime, ou bill of lading, est l’un des documents les plus importants dans le cadre du transport maritime international de marchandises. Bien qu’il existe d’autres types de documents, tels que les sea waybills ou récépissés d’expédition, le connaissement reste prédominant. Il joue un rôle clé en tant que preuve de la relation contractuelle entre le transporteur et le chargeur, et son utilisation est encadrée par plusieurs conventions internationales, telles que la Convention de Bruxelles de 1924 et les Règles de Hambourg de 1978. Cet article examine la nature, les fonctions, ainsi que les implications juridiques du connaissement maritime dans le cadre du transport international de marchandises.

Définition du connaissement maritime

Le connaissement maritime est un document émis par le transporteur (armateur ou affréteur) à l’expéditeur lors du chargement des marchandises à bord du navire.

Si la Convention de Bruxelles de 1924 ne propose pas de définition, l’article 1.7 des Règles de Hambourg le définit ainsi :

« Le terme connaissement désigne un document faisant preuve du contrat de transport et constatant la prise en charge ou la mise à bord des marchandises par le transporteur ainsi que l’engagement de celui-ci de délivrer la marchandise contre remise de ce document. »

Cette définition met en lumière trois aspects essentiels du connaissement : il prouve le contrat de transport, il atteste de la prise en charge ou de l’embarquement des marchandises, et il confère au détenteur le droit à la livraison des marchandises au port de destination.

En tant que contrat entre les parties, le connaissement est généralement soumis aux lois et conventions internationales qui régissent le transport maritime, comme les Règles de La Haye-Visby, les Règles de Hambourg ou encore les plus récentes Règles de Rotterdam.

Triple rôle du connaissement

Le connaissement remplit trois fonctions majeures dans le commerce maritime :

  • Reçu des marchandises : Il atteste que le transporteur a pris en charge les marchandises telles que décrites par le chargeur.
  • Contrat de transport : Il matérialise le contrat entre le chargeur et le transporteur et fixe les obligations des parties.
  • Titre représentatif des marchandises : Le connaissement permet la cession des droits sur les marchandises pendant leur transport.

Reçu de la marchandise

L’une des principales fonctions du connaissement est d’attester la prise en charge ou le chargement à bord des marchandises par le transporteur. Cette fonction est inscrite dans l’article L. 5422-3 du Code des transports, qui dispose que le connaissement fait présomption, sauf preuve contraire, de la réception des marchandises telles qu’elles sont décrites dans le document.

Preuve du contrat de transport

Le connaissement ne constitue pas en soi le contrat de transport maritime. Ce contrat est de nature consensuelle, c’est-à-dire qu’il existe dès que les volontés des parties se rencontrent, indépendamment de la création d’un document écrit. Cela a été confirmé par plusieurs décisions judiciaires, comme celles de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence en 2019 (Total France et al. c/ Motia Cia di Navigazione et al.), qui a affirmé que l’absence de connaissement n’équivaut pas à l’absence d’un contrat de transport. Le connaissement a donc avant tout une valeur probatoire : il est la preuve de l’existence du contrat, mais ne le constitue pas formellement.

Toutefois, le connaissement peut avoir une valeur importante, en particulier pour les tiers, notamment les assureurs et les banques impliquées dans les opérations de crédit documentaire.

Titre représentatif des marchandises

Le connaissement est également un titre représentatif des marchandises, ce qui signifie que sa possession confère le droit de revendiquer la livraison des marchandises au port d’arrivée. Cette fonction est particulièrement utile dans le cadre des transactions commerciales, car le connaissement peut être endossé et transféré à un nouvel acheteur pendant le transport des marchandises. C’est ce qui permet, en pratique, de vendre des marchandises en cours de transport, accélérant ainsi les échanges commerciaux.

Régime de responsabilité lié au connaissement

Les Règles de La Haye-Visby, régissant une grande partie du transport maritime international, stipulent que le transporteur est responsable de la perte ou de l’endommagement des marchandises à moins qu’il ne puisse prouver qu’il s’agit de causes exemptées (force majeure, incendie, actes de guerre, etc.). Le connaissement intègre souvent des clauses limitatives de responsabilité, permettant au transporteur de réduire l’étendue de ses obligations en cas de dommage.

Les clauses limitant la responsabilité du transporteur sont une pratique courante dans les connaissements maritimes. Elles prévoient généralement une limitation financière, souvent basée sur le poids des marchandises ou la valeur déclarée. La jurisprudence a confirmé que ces clauses sont valides tant qu’elles sont transparentes et portées à la connaissance des parties, bien qu’elles puissent être contestées en cas de faute grave ou dolosive du transporteur.

Certains pays, notamment ceux ayant ratifié les Règles de Hambourg ou les Règles de Rotterdam, appliquent des régimes de responsabilité plus stricts pour les transporteurs. Ces conventions augmentent souvent la responsabilité des transporteurs, tout en offrant une meilleure protection aux chargeurs.

Le Connaissement dans le cadre des lettres de crédit

Dans les transactions commerciales internationales, le connaissement joue un rôle essentiel dans les opérations de crédit documentaire. Lorsqu’une lettre de crédit est utilisée pour financer une transaction, la banque de l’acheteur exige souvent la présentation d’un connaissement maritime négociable pour libérer les fonds à l’expéditeur. Ce processus assure à l’acheteur que les marchandises ont été expédiées et permet à la banque de garantir la conformité des documents.

Les Règles et Usances Uniformes (RUU 600) publiées par la Chambre de Commerce Internationale (CCI) régissent ces opérations documentaires et définissent les conditions dans lesquelles un connaissement peut être accepté par les banques.

Le connaissement direct

Le connaissement direct, aussi appelé through bill of lading, est un document de transport maritime utilisé pour couvrir des transports successifs, qu’ils soient exclusivement maritimes ou combinant différents modes de transport (terrestre, aérien). Ce document unique régit l’ensemble du trajet des marchandises, du lieu de prise en charge à la destination finale.

Il est utilisé principalement dans deux cas :

Transports maritimes successifs : impliquant plusieurs navires pour un même transport.

Transports multimodaux : combinant une partie maritime et un autre mode de transport (terrestre ou aérien).

Le connaissement direct comprend des mentions spécifiques, telles que le lieu de prise en charge et de livraison, ainsi que le nom des moyens de transport utilisés. Toutefois, contrairement au connaissement multimodal, qui est soumis à un régime juridique unifié, chaque segment du transport couvert par un connaissement direct peut être régi par des règles juridiques différentes.

Bien qu’il représente un contrat unique, le connaissement direct peut inclure des clauses limitatives de responsabilité, permettant au transporteur maritime de restreindre ses obligations à certaines phases du transport, notamment en cas de recours à des sous-traitants pour les segments terrestres ou aériens. Ces clauses sont valides, sauf en cas de faute qualifiée ou dolosive.

Enfin, même si le connaissement direct joue un rôle important dans le commerce international, il tend à être remplacé par le connaissement multimodal, mieux adapté aux pratiques modernes, notamment en raison de la conteneurisation et de l’uniformité de son cadre juridique.

Connaissement combiné ou multimodal

Le connaissement de transport combiné ou multimodal est apparu avec le développement des transports mixtes et l’utilisation des conteneurs. Il s’agit d’un document unique couvrant l’ensemble d’un transport utilisant plusieurs modes (maritime, terrestre, ferroviaire, aérien), sous la responsabilité d’un opérateur unique, appelé l’Entrepreneur de Transport Multimodal (ETM).

Ce type de connaissement se distingue du connaissement direct par le fait qu’il regroupe toutes les phases d’un transport sous un régime juridique unique, assurant ainsi la responsabilité totale du transporteur pour l’intégralité du trajet, même si celui-ci sous-traite certaines étapes. L’ETM est responsable des marchandises du début à la fin du transport, quel que soit le mode utilisé ou le nombre de sous-traitants.

Les caractéristiques principales du connaissement de transport combiné ou multimodal sont les suivantes :

  • Un seul transporteur ;
  • Un seul contrat couvrant plusieurs modes de transport ;
  • Une seule responsabilité de bout en bout.

En pratique, ce type de connaissement offre une extension de responsabilité pour les compagnies maritimes, puisqu’il couvre l’ensemble du transport, y compris les segments non maritimes.

Cependant, l’application d’un régime unique peut être complexe en raison des différences entre les régimes juridiques applicables à chaque mode de transport. Le système réseau est donc souvent utilisé : il prévoit que la responsabilité est régie par le cadre juridique du mode de transport où le dommage s’est produit. Si l’avarie n’est pas localisée, un régime spécifique s’applique, avec des limitations de responsabilité souvent contractuelles.

Enfin, bien que ces connaissements unifient les opérations de transport, la réglementation internationale reste peu développée dans ce domaine, et la plupart des règles actuelles sont le résultat de pratiques contractuelles.

Le connaissement électroniques

Avec l’évolution technologique et la digitalisation des processus de transport, le recours aux connaissements électroniques (e-B/L) se développe. Ceux-ci remplissent les mêmes fonctions qu’un connaissement papier tout en offrant des avantages logistiques et économiques. Ils permettent une transmission plus rapide, une réduction des coûts administratifs, et diminuent le risque de perte ou de fraude.

Les Règles de Rotterdam et certaines initiatives nationales et sectorielles ont entériné la validité juridique des connaissements électroniques. Néanmoins, leur adoption universelle reste limitée en raison des défis techniques et juridiques liés à leur mise en œuvre.

Connaissements de complaisance

Les connaissements de complaisance sont des documents émis pour des raisons purement administratives ou pour des avantages économiques particuliers, mais qui ne correspondent pas à un véritable transport maritime. La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 22 octobre 2003 (Generali et al. c/ Delmas), a jugé qu’un connaissement délivré pour des raisons administratives, sans lien avec une réelle opération de transport, ne peut être considéré comme représentatif d’un contrat de transport.

Conclusion

Le connaissement occupe une place centrale dans le transport maritime de marchandises. Sa fonction tripartite, en fait un document essentiel non seulement pour les transporteurs et les chargeurs, mais également pour les financiers et les assureurs. Toutefois, il reste important de rappeler que, bien qu’il soit une preuve déterminante, le contrat de transport demeure consensuel et existe indépendamment de l’émission d’un connaissement.

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