La garantie des vices cachés : définition, conditions et effets

par | 18 Août, 2022 | Articles droit commercial, Exprime Avocat

Définition

Conformément à l’article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de garantir à l’acheteur les vices cachés de la chose vendue. C’est à dire les défauts qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.

La garantie des vices cachés est le régime de droit commun du contrat de vente et relève des dispositions du code civil (article 1625 et suivants du code civil). Cette garantie ne doit pas être confondue avec le régime de la conformité légale issu du code de la consommation. En effet, outre la garantie des vices cachés, le consommateur bénéficie également de la garantie de conformité de certains produits prévue par les articles L.211-1 du code de la consommation.

En principe, la garantie des vices cachés s’applique à toutes les ventes (mobilières, immobilières civiles ou commerciales). Toutefois, certaines ventes ne sont pas soumises à ce régime et font l’objet de dispositions particulières, par exemple, la vente d’immeubles à construire (C. civ., art. 1642-1 et 1646-1), cessions d’animaux (L.213-1 C.RUPM), construction de navires (art.7 du 3 janvier 1967) ou encore les ventes judiciaires.

Peu importe que la vente soit réalisée par un vendeur professionnel ou un vendeur occasionnel (particulier), le vendeur est tenu de garantie un bien en état de fonctionnement. A défaut, l’acquéreur pourra engager une action fondée sur la garantie des vices cachés et demander réparation.

Les conditions de la garantie des vices cachés

La garantie des vices cachés nécessite la réunion de 2 conditions.

Un vice inhérent à la chose vendue et qui ne doit pas être apparent au moment de la vente.

Un vice inhérent à la chose vendue

La mise en œuvre de la garantie suppose l’existence d’un vice. Celui-ci sera établi en cas de défaut inhérent à la chose. Le caractère défectueux implique un défaut de fonctionnement de la chose pour laquelle elle est destinée.

Ce défaut doit être suffisamment grave. Cette appréciation relève du pouvoir souverain du juge.

Ainsi, il a été jugé que la cession d’un terrain pollué en sous-sol (cuves d’hydrocarbures) constitue un vice caché suffisamment grave (Cour de cassation, 3ème Chambre civile, arrêt du 29 juin 2017, Pourvoi nº 16-18.087). Ou encore, le défaut d’autorisation administrative d’une terrasse lors de la vente d’un fonds de commerce (Cass. com., 11 janv. 2000, n°97-17.542).

De plus, le vice caché s’apprécie en fonction de l’usage normal du bien vendu. Il est de jurisprudence constante que « le défaut rendant la chose impropre à sa destination normale constitue un vice caché » (Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 14 février 1996, 93-21.773).

Par exemple, une voiture doit pouvoir rouler, une alarme se déclencher en cas d’intrusion, un appartement habitable et un fonds de commerce fournir un chiffre d’affaires (Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 3 juillet 1996, 94-16.196).

Dès lors, le vice doit être suffisamment grave et affecter l’usage normal du bien vendu.

Enfin, il appartient à l’acquéreur de caractériser le vice caché (Cass. 1er civ., 25 mars 2020, n°19-13.336).

Un vice qui doit être caché…

Conformément à l’article 1642 du Code civil « le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même ». Le vice ne doit pas être connu par l’acheteur au moment de la conclusion de la vente. De plus, celui-ci doit être caché lors de la réception de la chose.

Autrement dit, si l’acquéreur décèle un vice (défaut) au moment de la vente ou lors de la réception il ne pourra pas invoquer la garantie des vices cachés.

L’apparence du vice s’apprécie différemment selon la qualité de l’acquéreur. Pour l’acquéreur non professionnel, le vice apparent est celui qui est facilement décelable. Dès lors, l’acquéreur non professionnel est tenu à une simple vérification.

Au contraire, le professionnel devra vérifier de manière plus précise le bien, et ne pourra pas prétendre à un vice caché si le défaut était décelable lors d’un examen normal par un professionnel.

L’acheteur qui a eu connaissance du vice au moment de la vente ou lors de la réception de la chose ne pourra donc pas faire valoir la garantie des vices cachés. Dans ce cas, l’acquéreur devra refuser la chose au moment de la livraison et exiger la remise d’une chose sans défaut.

Si l’acquéreur accepte la chose sans faire de réserves, il y aura eu réception du bien qui a pour effet de couvrir les défauts apparents.

Enfin, il revient à l’acheteur de prouver l’antériorité du vice. Cette preuve peut être difficile mais les tribunaux l’admettent si le défaut apparait peu de temps après le transfert des risques ou si aucune cause ne peut l’expliquer (Civ. 1er, 15 juill. 1999, n°97-16.783).

Si l’acheteur ne parvient pas à démontrer l’antériorité du vice, il ne pourra se prévaloir de la garantie des vices cachés. En pratique, une expertise est souvent nécessaire.

Les effets de la garantie

L’acheteur peut décider d’engager une action rédhibitoire qui lui permet de demander la résolution de la vente ou l’action estimatoire qui lui permet de garder la chose et d’obtenir une réduction du prix.

L’action rédhibitoire ou estimatoire

L’action rédhibitoire consiste à anéantir le contrat et permet la restitution réciproque.  L’acquéreur devra restituer la chose et le vendeur rendre les sommes perçues.

Il peut être intéressant d’agir en action rédhibitoire à titre principal et à titre subsidiaire demander la réduction du prix. En effet, si le juge estime que la gravité du vice n’est pas suffisamment grave pour demander la résolution de la vente, il peut être judicieux d’obtenir une réduction du prix par l’action estimatoire.

En principe, l’action rédhibitoire n’est possible que si la chose existe encore. Toutefois, sauf faute de l’acquéreur, la perte de la chose n’empêche pas celui-ci de réclamer la restitution du prix si la perte résulte de la faute du vendeur ou du vice lui-même (art. 1647 C. civil voir JCPE).

De même, la revente de la chose ne fait pas non plus obstacle à l’exercice de l’action rédhibitoire (Cass. com., 17 mai 1982, n°80-16.040).

Les autres recours

Outre l’action rédhibitoire ou estimatoire, l’acheteur peut également préférer obtenir le remplacement du bien vendu ou la réparation du défaut. L’article 1642-1 al.2 concernant les ventes d’immeubles à construire impose ce mode de résolution du litige « Il n’y aura pas lieu à résolution du contrat ou à diminution du prix si le vendeur s’oblige à réparer ». 

En principe, l’acheteur ne peut solliciter le remplacement du bien si le vendeur s’engage à le réparer.

Enfin, l’acquéreur peut également engager une action en réparation de son préjudice. La Cour de cassation admet le caractère autonome de l’action en réparation du préjudice subi en cas de vice caché (Cass. com., 19 juin 2012, n°11-13.176). L’action est néanmoins subordonnée aux conditions de recevabilité d’une action pour vice caché ainsi que la démonstration d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité.

Les clauses limitatives ou élusives de garantie

L’article 1643 du Code civil dispose que le vendeur « est tenu des vices cachés, quand bien même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie ».

Le vendeur peut donc exclure la garantie de certains vices déterminés par une clause du contrat. Toutefois, ces clauses sont interdites entre un professionnel et un consommateur (C. consom., art. R. 212-1 6°).

Elles ne sont valables qu’entre professionnels de même spécialité ou lorsque le vendeur est un non-professionnel.

Dans tous les cas, le vendeur doit être de bonne foi, c’est-à-dire qu’il ne doit pas connaitre les vices de la chose vendue (Civ. 1er, 28 mars 2007, n°06-12.299). A défaut, il commettrait un dol.

Vendeurs successifs

Si la chose fait l’objet de ventes successives, le vendeur est débiteur de la garantie non seulement à l’égard de l’acheteur avec qui il a contracté mais également à l’égard de tous les sous-acquéreurs de la chose.

Dans ce cas, l’acheteur qui se trouve à l’extrémité de la chaîne ou sous-acquéreur, peut agir contre son vendeur mais aussi, diriger son action contre un vendeur antérieur, voire contre le vendeur initial, le fabricant.

En effet, la garantie contre les vices cachés se transmet automatiquement avec la chose. La jurisprudence considère que « l’action directe en garantie du sous-acquéreur contre le vendeur originaire est fondée […] sur le principe que la vente d’une chose comprend tous ses accessoires, et notamment les actions que le vendeur a pu acquérir à son occasion » (Cass. civ., 12 nov. 1884 ; voir également, Cass. com., 14 oct. 1981, n°79-16.552 ; Cass. com., 17 mai 1982, n°80-16.040).

Dès lors, le dernier acquéreur peut exercer une action directe en garantie non seulement contre son vendeur, mais encore, à l’autre bout de la chaîne, contre le fabricant, premier vendeur, et contre tout vendeur intermédiaire (Civ. 1er, 9 oct. 1979, n°78-12.502, Lamborghini).

Délai d’action

L’action doit être exercée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice par l’acheteur. Le délai ne commence à courir que du jour de la découverte du vice (C. civ., art. 1648).

L’acquéreur devra donc agir dans un délai de 2 ans, sauf exceptions. 

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