Forclusion : définition, régime juridique et exceptions

par | 12 Oct, 2024 | Exprime Avocat

La forclusion est une notion juridique que l’on retrouve dans le cadre des procédures judiciaires et des relations contractuelles. Elle constitue une cause d’extinction d’un droit pour défaut d’exercice dans un délai imparti. Contrairement à la prescription, qui éteint l’action mais laisse subsister le droit, la forclusion entraîne la perte définitive du droit. Cet article va approfondir les aspects théoriques et pratiques de cette notion, en s’appuyant sur des exemples concrets et sur la jurisprudence.

Définition et fondements de la forclusion

La forclusion est définie comme la perte d’un droit en raison de l’inaction de son titulaire dans le délai prescrit par la loi. Ce mécanisme se distingue de la prescription, qui repose davantage sur une notion d’écoulement du temps pour éteindre un droit ou une action. La forclusion, elle, est souvent liée à des délais plus courts et stricts, généralement prévus pour des situations spécifiques où la rapidité de l’action est essentielle à la sécurité juridique.

La forclusion trouve ses fondements dans plusieurs principes, notamment :

  • La sécurité juridique : La nécessité d’une certaine stabilité des relations juridiques implique que les actions doivent être exercées dans un cadre temporel limité, afin d’éviter une incertitude prolongée.
  • Le bon fonctionnement de la justice : Des délais stricts permettent de désengorger les juridictions et de favoriser la célérité des procédures.
  • Le respect des parties : Un délai de forclusion vise à protéger les intérêts de la partie qui pourrait subir un préjudice en raison d’une action trop tardive.

Différence avec la prescription extinctive

Bien qu’ils partagent une finalité proche, la forclusion et la prescription ne doivent pas être confondues. La prescription extinctive concerne l’inaction pendant un certain temps, entraînant l’extinction de l’action mais non du droit. En revanche, la forclusion met fin non seulement à l’action, mais aussi au droit lui-même. Ainsi, après l’expiration du délai de forclusion, le droit est définitivement éteint et ne peut plus être revendiqué, même à titre de défense.

De plus, contrairement à la prescription, la forclusion est un délai insusceptible de suspension ou d’interruption. Pour rappel, la suspension de la prescription arrête temporairement le délai, et l’interruption de la prescription annule le délai déjà écoulé. En principe, la forclusion ne peut pas être interrompu ou suspendu. Il s’agit d’une mesure rigide destinée à assurer la rapidité des procédures et des relations juridiques.

La forclusion en procédure civile

En matière procédurale, la forclusion concerne de nombreux actes de procédure, tels que l’appel ou la contestation d’une décision. Le Code de procédure civile impose des délais rigides pour la plupart des recours.

Par exemple, selon l’article 538 du Code de procédure civile, le délai pour interjeter appel d’un jugement est généralement d’un mois à compter de la notification de la décision. Ce délai est impératif : s’il n’est pas respecté, la partie perd définitivement la possibilité de faire appel, et le jugement devient définitif. Il ne s’agit pas d’une prescription, mais bien d’une forclusion.

Exemples de forclusion 

Droit commercial et baux commerciaux :

L’article L.145-49 du Code de commerce prévoit une forclusion en matière de baux commerciaux, plus précisément en cas de demande de déplafonnement du loyer. Le preneur dispose d’un délai de deux ans pour demander la révision du loyer en cas de modification des éléments de détermination du prix (inflation, travaux, etc.). Si ce délai n’est pas respecté, la demande est forclose et ne peut plus être introduite, même si les conditions de révision sont réunies.

Entreprises en difficulté :

Concernant les procédures collectives (redressement et liquidation judiciaire), la déclaration de créance est strictement encadrée (art. L.622-26 al.1er C.com). Cet article impose aux créanciers de déclarer leurs créances dans un délai de deux mois (quatre mois pour les créanciers domiciliés à l’étranger) à compter de la publication du jugement d’ouverture. Passé ce délai, les créanciers sont forclos et ne peuvent plus revendiquer leur créance, sauf à prouver une cause légitime de défaillance.

Activité de transport :

L’article L.133-3 du Code de commerce, en matière de transport, instaure également un délai de forclusion très strict. Le destinataire d’une marchandise doit notifier au transporteur, par lettre recommandée, les avaries ou pertes constatées dans un délai de trois jours, sans compter les jours fériés, après la réception des marchandises. En l’absence de cette notification dans le délai imparti, le destinataire est forclos et ne peut plus engager de réclamation contre le transporteur. Ces exemples illustrent la rigueur des délais de forclusion, qui visent à préserver la sécurité juridique dans diverses situations.

Crédit à la consommation :

Dans le cadre du crédit à la consommation, l’article R. 312-35 du Code de la consommation prévoit une règle stricte de forclusion. Les actions en paiement engagées à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans un délai de deux ans à compter de l’événement qui leur a donné naissance, sous peine de forclusion (CA Paris, 8 oct. 2020, no 17/17760). En cas de non-respect de ce délai, le créancier est forclos et ne peut plus réclamer le paiement des sommes dues. Cette forclusion spécifique au crédit à la consommation se distingue de la prescription de droit commun prévue à l’article L. 218-2 du Code de la consommation.

Droit des assurances :

Dans le cadre d’un contrat d’assurance, l’assuré dispose souvent d’un délai de deux ans pour contester une décision de l’assureur (article L. 114-1 du Code des assurances). Ce délai est un délai de prescription. Cependant, si un contrat prévoit un délai très court pour déclarer un sinistre (souvent cinq jours après sa survenance), ce délai est une forclusion : passé ce terme, l’assuré perd tout droit à l’indemnisation.

Droit bancaire :

L’article L.133-24 du Code monétaire et financier prévoit une forclusion stricte en matière de contestation des opérations de paiement. Il stipule que le titulaire d’un compte a un délai de 13 mois à compter de la date de débit pour contester une opération de paiement non autorisée ou mal exécutée. Passé ce délai, le titulaire est forclos et ne peut plus contester l’opération auprès de son prestataire de services de paiement.

Cette règle est particulièrement importante dans le cadre des paiements électroniques et des prélèvements automatiques, où des erreurs peuvent survenir. L’application de la forclusion permet d’éviter les litiges tardifs.

Les conséquences de la forclusion

Les effets de la forclusion sont particulièrement rigides. Une fois le délai écoulé, la perte du droit est définitive. Le juge n’a aucune marge d’appréciation, et la partie qui a négligé de respecter le délai ne peut obtenir d’extension, sauf en cas de force majeure. Cela entraîne une extinction automatique et irrémédiable du droit en question.

Les exceptions : le relevé de forclusion

Un relevé de forclusion est une décision exceptionnelle par laquelle une partie peut être relevée des effets d’une forclusion, lui permettant ainsi d’exercer un droit ou une action malgré l’expiration du délai imparti. Ce mécanisme est généralement réservé à des situations où la partie concernée démontre l’existence d’un empêchement légitime ou d’une cause exceptionnelle qui justifie le non-respect du délai.

Un exemple classique de relevé de forclusion se produit en raison d’un cas de force majeure, ou en cas, d’une erreur commise par une autorité ou un tiers peut permettre le relevé de forclusion. Par exemple, si une partie n’a pas été correctement informée par le greffe d’une décision judiciaire ou d’une notification essentielle pour introduire un recours, elle peut demander un relevé de forclusion. La jurisprudence admet que l’erreur de notification de la part du greffe peut permettre à la partie lésée de bénéficier du relevé de forclusion.

En matière de procédure collective, il est possible pour un créancier qui n’a pas déclaré sa créance dans le délai de deux mois prévu par l’article L. 622-26 du Code de commerce de demander un relevé de forclusion, notamment en cas de force majeure ou de circonstances particulières ayant rendu la déclaration impossible. Toutefois, la jurisprudence est très stricte dans l’appréciation de ces motifs.

Enfin, en matière de contentieux des marchés publics, un soumissionnaire évincé peut demander un relevé de forclusion si le délai pour contester la décision de rejet a été mal calculé en raison d’une erreur administrative. Par exemple, un courrier de notification envoyé à une mauvaise adresse ou une erreur dans le calcul des délais pourrait justifier un relevé de forclusion si l’éviction était manifeste.

Ces exemples montrent que le relevé de forclusion est une mesure d’exception accordée de manière restrictive. Il n’est pas automatique, et la partie qui en fait la demande doit apporter la preuve d’un empêchement sérieux, généralement imprévisible et indépendant de sa volonté.

Conclusion

La forclusion constitue un mécanisme juridique rigide, mais nécessaire pour garantir la sécurité juridique et la célérité des procédures. Contrairement à la prescription, la forclusion éteint à la fois l’action et le droit, ce qui en fait une arme redoutable dans les litiges. Les praticiens du droit doivent être particulièrement vigilants dans le respect de ces délais impératifs, sous peine de voir leurs droits disparaître sans possibilité de recours.

Attention ! Le régime de la forclusion a connu un léger assouplissement. En effet, la dernière version de l’article 2241 du Code civil semble désormais permettre l’interruption du délai de forclusion par l’introduction d’une demande en justice.

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