Le contrat d’agent commercial est souvent utilisé pour développer l’activité d’une entreprise. En fin de contrat, l ’agent commercial a droit à une indemnité destinée à compenser le préjudice subi en raison de la cessation.
Pour rappel, l’article L 134-13, 1°du code de commerce prévoit que l’agent commercial perd cette indemnité quand il a commis une faute grave. Dans un arrêt du 16 novembre 2022, la Cour de cassation remet ce principe en cause.
Nous vous en expliquons les tenants et aboutissants de ce revirement de jurisprudence.
La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne relative à l’agent commercial
La Cour de cassation a adopté une nouvelle posture en estimant que l’agent commercial qui commet une faute grave en cours de contrat, mais découverte après la rupture contractuelle n’est pas privé de son droit à indemnité puisque la faute n’a pas provoqué la rupture (Com. 16 nov. 2022, n° 21-17.423 P).
Si ce changement d’attitude ne surprend pas, c’est que la Cour de cassation ne fait que s’aligner sur la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).
Les textes clés du raisonnement sont les articles 17 et 18 de la directive européenne 86/653/CEE (Cons. CE, dir. 86/653/CEE, 18 déc. 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants).
Conformément à l’article 18 de la directive, la Cour de justice européenne considère que lorsque le mandant découvre la faute de l’agent commercial qu’après la rupture du contrat, l’indemnité de résiliation lui reste due, même en cas de faute grave (CJUE 28-10-2010 aff. 203/09 : RJDA 2/11 n° 136).
L’arrêt de la Cour de cassation vient s’aligner sur cette position.
Une faute grave de l’agent commercial
Pour rappel, l’article L.134-13 du Code de commerce permet une rupture d’un contrat d’agent commercial sans indemnité de fin de contrat en cas de faute grave. Selon la Cour de cassation, la faute grave est celle : « qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d’intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel » (Cass. com., 15 octobre 2002, n° 00-18.122).
Cette définition floue a été précisée dans d’autres arrêts. C’est ainsi que le fait de prospecter la clientèle pour un concurrent sans en avoir avisé préalablement le mandant a été considéré comme une faute grave. La Cour de cassation a également qualifié de grave la faute consistant à faire preuve d’une inertie complète dans le travail de prospection en ne répondant aux demandes du mandant, obligeant l’entreprise à pallier les carences de l’agent au moyen de renforts.
En l’espèce, il s’agissait de la violation d’une clause interdisant la vente de produits d’un concurrent. Il est fréquent que les fautes, et notamment la violation d’une clause de non-concurrence soit découvert postérieurement à la rupture du contrat.
La Cour d’appel avait rejeté la demande en indemnisation de l’agent commercial étant donné que les manquements graves commis par l’agent commercial découvert postérieurement à la rupture des relations contractuelles, étaient de nature à priver l’agent commercial de son droit à indemnité.
La Cour d’appel faisait application de la jurisprudence constante (Com., 1er juin 2010, pourvoi n° 09-14.115 ; Com., 24 novembre 2015, pourvoi n° 14-17.747 ; Com., 19 juin 2019, pourvoi n° 18-11.727).
Toutefois, cette position était contraire à l’article 18 de la directive précitée et donc en contrariété avec la jurisprudence de la CJUE. Ainsi, la Cour de cassation a modifié sa position.
Première application par la Cour de cassation de la nouvelle jurisprudence
C’est au visa de l’article 18 de la directive précitée et de la jurisprudence de la CJUE, que la cour de cassation a décidé que :
« il apparaît nécessaire de modifier la jurisprudence de cette chambre et de retenir désormais que l’agent commercial qui a commis un manquement grave, antérieurement à la rupture du contrat, dont il n’a pas été fait état dans la lettre de résiliation et a été découvert postérieurement à celle-ci par le mandant, de sorte qu’il n’a pas provoqué la rupture, ne peut être privé de son droit à indemnité. »
Ainsi, la Cour de cassation estime que, quand la rupture du contrat d’agence commercial ne résulte pas de la faute grave de l’agent, et que les manquements de celui-ci sont découvert postérieurement, l’indemnité de fin de contrat reste due.
C´est sans attendre que la Cour de cassation a mis en œuvre le revirement jurisprudentiel à travers un autre arrêt du même jour (Com. 16 novembre 2022, n°21-10.126).
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