Le manquement au devoir de mise en garde du banquier fait l’objet d’une abondante jurisprudence.
En effet, lorsque l’emprunteur ne peut plus faire face aux échéances de son crédit, se pose la question de savoir si le crédit était adapté à sa situation financière et si l’emprunteur a eu connaissance du risque d’endettement.
Ainsi, il s’agit de savoir si le banquier a commis une faute en omettant de prévenir l’emprunteur sur les risques liés à son crédit. En effet, le banquier devra alerter l’emprunteur non-averti en cas de risque d’endettement excessif lors de la souscription d’un contrat de crédit. (Cass. ch. mixte, 29 juin 2007, no 05‐21.104).
A défaut, le banquier commet une faute en manquant à son devoir de mise en garde. Il engage ainsi sa responsable contractuelle et devra réparer le préjudice subi par l’emprunteur au titre de la perte de chance de ne pas avoir contracté. (Cass. com., 20 oct. 2009, no 08‐20.274).
Dans ce cas, la jurisprudence n’hésite pas à considérer que le montant du préjudice subi lié à la perte de chance équivaut au montant restant dû par l’emprunteur (Cass. com., 8 nov. 2011, no 10‐23.662).
Dès lors, le manquement au devoir de mise en garde du banquier est souvent invoqué par l’emprunteur qui ne peut plus faire face à ses échéances de crédit.
Ainsi, les décisions en demande de condamnation du banquier au titre de son manquement au devoir de mise en garde sont nombreuses. Il convient de connaître les modalités de mise en œuvre de ce type d’action.
Le caractère non-averti de l’emprunteur
En principe, seul l’emprunteur non-averti peut se prévaloir du manquement au devoir de mise en garde du banquier. En effet, selon la jurisprudence l’emprunteur non-averti n’est pas à même d’apprécier le risque d’endettement excessif lié à la souscription d’un prêt. Il en sera ainsi, des particuliers et des consommateurs qui n’ont aucune expérience dans la finance (Cour de cass. 27 mars 2019, 18-10.592).
A contrario, le professionnel est souvent considéré comme un emprunteur averti. On considère que celui-ci a la faculté de comprendre le risque, et ce, en raison de ses compétences.
Dès lors seul l’emprunteur non-averti doit être alerter par la banque d’une situation à risque. C’est donc la compétence de l’emprunteur, qui sera apprécié in concreto par les juges, qui conditionne l’obligation par le banquier de mettre en garde son client.
Risque d’endettement excessif…
Mettre en garde son client contre un risque, mais quel risque ? La durée du prêt, le montant des mensualités ou encore le taux d’intérêts…Pas tout à fait. Ces caractéristiques relèvent du devoir d’information général du banquier. Ces informations seront délivrées à tous les clients, peu importe la qualité d’emprunteur averti ou non. Celles-ci seront nécessaires au consentement éclairé de l’emprunteur.
Il faut donc distinguer l’obligation d’information générale, absolue, qui porte sur les caractéristiques de l’emprunt, et l’obligation de mise en garde, relative, qui est spécifique à l’emprunteur.
…par rapport à la situation de l’emprunteur
L’obligation de mise en garde se fonde sur un risque d’endettement excessif. Ce risque résulte de la situation financière de l’emprunteur et du montant emprunté. Seule l’existence d’un risque d’endettement excessif de l’emprunteur non-averti oblige le banquier à le mettre en garde.
Pour rappel, le banquier ne peut s’immiscer dans les affaires de son client, et n’est pas tenu à un devoir de conseil, sauf s’il en a pris l’engagement.
Dès lors, l’obligation de mise en garde ne porte que sur l’inadaptation du prêt consenti aux capacités financières de l’emprunteur et sur le risque de l’endettement qui résulte de son octroi, et non sur les risques de l’opération financée. (Cass. com., 11 avr. 2018, nos 15‐27.133)
Ainsi, le risque d’endettement excessif se voit donc lié à la capacité financière de remboursement de l’emprunteur.
Capacité de remboursement de l’emprunteur
Les capacités financières de l’emprunteur s’apprécient à la date de la conclusion du crédit.
Elles se composent du patrimoine et des revenus de l’emprunteur (Cass. com., 6 déc. 2011, no 10 – 24.268).
Récemment la cour de cassation a considéré que « pour apprécier les capacités financières et le risque d’endettement d’un emprunteur non averti, doivent être pris en considération ses biens et revenus ». (Cour de cassation 9 nov. 2022 n° 21-16.846 – concernant l’apport personnel et le bien immobilier objet du crédit). Ou encore, sur la valeur d’un bien immobilier détenu par l’emprunteur au moment de l’octroi du prêt, qui se trouvait en adéquation avec la somme empruntée (Cass. com., 13 mai 2014, no 13‐13.843).
De plus, l’âge de l’emprunteur peut également être pris en compte pour apprécier le risque d’endettement excessif, par exemple en cas de départ en retraite (Cass. com., 1er juill. 2020, no 18‐21.739).
Enfin, les déclarations de l’emprunteur sur ces capacités doivent être sincères. Si le banquier est tenu de vérifier les capacités de l’emprunteur, il n’a pas à en vérifier l’exactitude. L’emprunteur ne doit pas avoir dissimulé ses véritables capacités. Dans ce cas, le banquier ne pourrait être tenu responsable en cas de fausses déclarations de l’emprunteur. (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 26 mai 2011, 10-11.284).
Actualité
Si le taux d’endettement est souvent pris en compte pour apprécier le manquement au devoir de mise en garde, il ne constitue pas un critère prépondérant. Ainsi, il a été jugé que : le taux d’endettement excessif (64,22 %) n’entraine pas forcément un crédit excessif, si le reste à vivre est suffisant (3 000 euros). Pour en savoir plus, lire l’article : Taux d’endettement et devoir de mise en garde.
Sur la procédure
La demande en réparation du préjudice intervient souvent lorsque l’emprunteur est poursuivi en paiement du capital restant dû à la suite de la déchéance du terme de son crédit. Ainsi, l’emprunteur pourra faire une demande reconventionnelle en responsabilité contre la banque, et demander compensation de son préjudice avec les sommes restant dues.
Pour cela, l’emprunteur devra démontrer l’existence d’un risque d’endettement excessif au jour de la conclusion du contrat de crédit (com., 13 mai 2014, no 13‐13.843). En cas d’endettement excessif, il appartient à la banque d’apporter la preuve qu’elle a satisfait à l’obligation de mise en garde. (Cass. com., 22 mars 2016, no 14‐20.216).
En pratique la banque fait souvent valoir qu’elle n’était pas tenue à un devoir de mise en garde, soit que l’endettement n’était pas excessif, soit que l’emprunteur était averti. Dans ce dernier cas, il est à préciser que la preuve du caractère averti ou non de l’emprunteur appartient à la banque. Ainsi, l’emprunteur est donc présumé non-averti (Cass. com., 17 nov. 2009, no 08‐70.197).
Enfin, l’action en responsabilité contre la banque pour manquement à son devoir de mise en garde est de 5 ans, et ne court qu’à compter du jour du premier incident de paiement (Cass. 1re civ., 5 janv. 2022, 20‐18.893).
Le cabinet vous accompagne en cas de manquement au devoir de mise en garde du banquier sur un crédit immobilier ou un crédit à la consommation.
Important ! Le devoir de mise en garde s’applique également à l’égard de la caution qui se porte garant d’un crédit considéré comme disproportionné.