Le droit pénal s’invite quelque fois dans le monde des affaires. C´est notamment le cas lorsque l´administration fiscale découvre des recettes non comptabilisées.
Un dirigeant de société peut-il être condamné en même temps pour souscription d’une déclaration fiscale minorée et pour omission d’écriture en comptabilité ?
Nous profitons d’un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 22 juin 2022 pour faire le point sur un principe presque universel appelé « non bis in idem ».
Le principe Non bis In Idem
Ce principe de procédure pénale signifie que personne ne peut être poursuivi ou puni pénalement deux fois pour les mêmes faits. L´application de ce principe est au cœur de nombreux textes ou débats judiciaires.
Preuve en est l’arrêt rendu le 22 juin 2022 par la Cour de cassation (Cass. crim., 22 juin 2022, n° 21-83.360, F-B). Ce principe est consacré par l´article 368 du code Pénal, mais aussi par plusieurs textes internationaux ratifiés par la France : la Convention européenne des droits de l’Homme, le Pacte international de New-York relatif aux droits civils et politiques ou encore la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Les faits
Revenons sur les circonstances de l’affaire soumise à la Cour de cassation. Les faits étaient très simples : en 2015, l’administration fiscale avait constaté que des recettes d’une clinique n’avaient pas été comptabilisées pendant plusieurs exercices consécutifs. Pour entrer dans le détail, un compte sur lequel la clinique recevait des rétrocessions de la Caisse primaire d’assurance maladie pour utilisation d´un scanner, n’apparaissait pas dans la comptabilité. En outre, ces revenus n’avaient pas été déclarés à l´administration fiscale.
Finalement appelés à s’expliquer devant le tribunal correctionnel, les cogérants étaient poursuivis pour fraude fiscale et omission d’écriture en comptabilité. Ils furent acquittés en première instance, mais le procureur de la République et la direction départementale des finances publiques interjetèrent appel. Les cogérants furent condamnés par la Cour d´appel. C´est ici que commence notre examen du principe non bis in idem.
La Cour d´appel a en effet écarté ce principe en considérant que la minoration déclarative des résultats imposables était un fait différent de l’omission des recettes en comptabilité. De plus, la Cour d’appel avait considéré que les omissions comptables visaient à éviter le contrôle des autorités et n’étaient pas nécessaires pour frauder le fisc.
Le cumul d´infractions est possible
La Cour de cassation s’est vue confier la patate chaude et a estimé que la Cour d’appel avait bien appliqué le principe non bis in idem.
Venons-en au raisonnement suivi par les magistrats de la Cour de cassation. Ils ont tout d´abord rappelé un arrêt antérieur selon lequel en cas de poursuites concomitantes, le principe non bis in idem n’empêche le cumul de qualification lors de la déclaration de culpabilité que si les infractions retenues punissent des faits identiques (Cass. crim., 15 décembre 2021, n° 21-81.864, FP-B).
Une fois ce préambule posé, la seconde étape du raisonnement est que les deux infractions retenues dans cette affaire (souscription d’une déclaration minorée et délit d’omission d’écriture en comptabilité) sont distinctes car la sanction est différente pour l’une et pour l’autre selon le Code général des impôts (1741 et 1743 du CGI).
La solution peut paraître simple, mais elle est importante en pratique quand la mauvaise gestion d’une société est soumise à une juridiction pénale.