Clause abusive de déchéance du terme : une créance non exigible

par | 10 Oct, 2024 | Actualités juridiques

Commentaire d’arrêt – Cour de cassation, Deuxième chambre civile, 3 octobre 2024 – 21-25.823

Faits :

M. [Y] [D] et Mme [X] [D], emprunteurs auprès de la Banque CIC Ouest (anciennement Crédit Industriel de l’Ouest), ont fait l’objet d’une procédure de saisie immobilière à la suite d’un défaut de paiement lié à un prêt notarié conclu en 2004. La banque a engagé cette procédure en appliquant la clause de déchéance du terme et a délivré un commandement de payer. Une audience d’orientation a été fixée par la suite. M. [M] [D], héritier de sa mère, s’est joint au litige à la suite de son décès.

Procédure :

Les consorts [D] ont contesté la saisie immobilière. La cour d’appel de Rennes, par un arrêt du 26 octobre 2021, avait confirmé l’exigibilité de la créance de la banque à hauteur de 115 759,75 euros et avait autorisé la vente de l’immeuble des consorts [D]. Cependant, la Cour de cassation avait déjà cassé une première décision de cette cour d’appel (arrêt du 19 novembre 2020), renvoyant l’affaire pour une nouvelle délibération. Les consorts [D] ont formé un pourvoi en cassation contre cette seconde décision.

Problème juridique :

Le problème porte sur la validité de la clause d’exigibilité contenue dans le contrat de prêt et la validité de la déchéance du terme prononcée par la banque. Les consorts [D] contestent l’exigibilité de la créance, notamment en invoquant le caractère abusif de la clause d’exigibilité et l’absence de mise en demeure valable.

Arguments des parties :

Les consorts [D] font valoir que la clause d’exigibilité immédiate était abusive, ce que la cour d’appel avait admis en partie. Ils soutiennent que cette clause doit être réputée non écrite, empêchant ainsi la banque de prononcer valablement la déchéance du terme. Par ailleurs, ils reprochent à la cour d’appel d’avoir confirmé la saisie immobilière au profit de la banque, alors que la créance n’était pas exigible en l’absence de mise en demeure adressée à Mme [D].

Décision de la Cour de Cassation :

La Cour de cassation casse partiellement l’arrêt de la cour d’appel. Elle reproche à celle-ci de ne pas avoir tiré les conséquences légales de ses propres constatations en déclarant la clause d’exigibilité abusive. En effet, une fois que cette clause est réputée non écrite, la déchéance du terme ne pouvait être prononcée sur son fondement, même si une mise en demeure avait été envoyée à M. [D]. La Cour juge que la banque n’était pas en droit de prononcer la déchéance du terme, rendant ainsi la créance inexigible.

Portée de la cassation :

La cassation porte sur les chefs de dispositif relatifs à l’exigibilité de la créance de M. [D] et à la vente de l’immeuble. Toutefois, les points relatifs au caractère abusif de la clause d’exigibilité et à l’absence de validité de la déchéance du terme concernant Mme [D] ne sont pas annulés. L’affaire est renvoyée devant la cour d’appel de Rennes, autrement composée, pour un nouvel examen.

Cette décision rappelle l’importance du contrôle des clauses abusives dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs. Une clause d’exigibilité jugée abusive entraîne son inapplicabilité, même en cas de mise en demeure. Ce principe protège les emprunteurs de pratiques potentiellement déséquilibrées dans les contrats de prêt.

Il est à rappeler que cette décision n’est pas nouvelle. Un arrêt de la chambre civil rendu par la Cour de cassation en date du 22 mars 2023, avait déjà statuer sur le caractère abusif d’une clause de déchéance du terme.  

Conclusion :

La Cour de cassation consacre la nécessité de respecter les droits des emprunteurs, notamment en matière de déchéance du terme. Cette décision souligne également la rigueur avec laquelle les juges doivent examiner les clauses contractuelles susceptibles de désavantager les consommateurs.

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