Toute entité économique connaîtra au cours de sa vie des difficultés. Baisse d’activité, mauvaise gestion, résultat négatif, difficultés fiscales et sociales, ces situations peuvent parfois conduire à une cessation des paiements de la société.
Dans ce cas, la loi impose au débiteur en cessation des paiements, sous peine de sanctions, de se déclarer auprès de la juridiction compétente en vue de l’ouverture d’une procédure collective.
L’article L. 631-1 du Code de commerce dispose qu’une entreprise est en « état de cessation des paiements » lorsqu’il lui est impossible « de faire face à son passif exigible au moyen de son actif disponible »
Il s’agit donc de connaître les éléments permettant de caractériser la cessation des paiements et ses conséquences.
Les éléments constitutifs de la cessation des paiements
Il ressort de l’article L. 631-1 précité que l’existence d’une cessation de paiements suppose la réunion de deux éléments : un actif disponible insuffisant pour faire face au passif exigible.
Le passif exigible
Le passif exigible s’entend de l’ensemble des dettes certaines, liquides et exigibles de l’entreprise. Il correspond au passif échu de l’entreprise, c’est-à-dire l’ensemble des dettes arrivées à échéance et qui sont immédiatement exigibles.
Dès lors, sont exclus, le montant d’un prêt bancaire dont l’échéance du remboursement n’est pas arrivée à son terme ou encore les comptes courant d’associés.
Les dettes non réclamées ou contestées en sont également exclues. Il en sera ainsi des créances faisant l’objet d’une instance pendante devant les juges du fond, par exemple en cas de contestations d’une dette fiscale (Cass. com., 9 déc. 2020, n°19-14.437). Cette exclusion se justifie par le fait que les dettes litigieuses ne sont ni certaines, ni liquides.
Il revient aux juges de vérifier l’exigibilité de la dette au moment où il statue (Cass. com., 12 oct. 1999, n°97-10.880). Ainsi, le débiteur n’est pas en cessation des paiements s’il est établi que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible.
Quant à la nature de la dette, elle est indifférente. Elle peut être civile ou commerciale (art. L.631-5 al.2 ou L.631-3 C.com). Tout comme le nombre de dettes, le passif s’appréciant au regard de la capacité d’y faire face, indépendamment du nombre de créancier.
L’actif disponible
L’actif disponible est constitué par les sommes dont l’entreprise dispose immédiatement pour assurer le paiement de ses dettes échues. Il s’agit essentiellement des comptes bancaires, liquidités ou titres financiers.
L’actif disponible est également celui qui est immédiatement réalisable par l’entreprise. Autrement, tout ce qui peut être transformé en liquidités tout de suite, ou à très court terme. Dès lors, une entreprise avec un patrimoine immobilier important qui n’est pas en mesure de le réaliser à très court terme, pourrait être en cessation de paiement à défaut de liquidité lui permettant d’assurer son passif exigible. Ainsi, l’actif disponible s’identifierait essentiellement à la trésorerie de l’entreprise.
L’appréciation des éléments faisant partie de l’actif disponible dépend donc de la possibilité qu’il soit transformé en liquidité rapidement. La jurisprudence reconnait que certains stocks, brevet, ou encore séquestre chez un notaire puissent être considérés comme un actif disponible (Cass. com., 5 déc. 2018, n°17-20.065).
De même, les avances de trésorerie ou réserves de crédit consenties à l’entreprise peuvent également faire partie de l’actif disponible. La notion de « réserve de crédit » s’entend selon la Cour de cassation, de « toute avance de trésorerie qui n’est pas bloquée ou dont le remboursement n’est pas demandé ». (Com. 16 nov. 2010, n°09-71.278).
A contrario, des biens immobiliers non vendus, une créance contestée, des créances clients impayées, ou encore le fonds de commerce ne constituent pas des éléments inclus dans l’actif disponible.
La preuve de la cessation des paiements
En principe, la preuve de l’état de cessation des paiements de l’entreprise incombe à celui qui est à l’initiative (l’entrepreneur individuel ou le dirigeant de la société en difficulté, un créancier, du ministère public) de l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire. (Cass. com., 23 sept. 2020, n°18-26.143).
La preuve de la cessation peut être rapportée par tous moyens, elle est libre.
Celle-ci résulte souvent d’un procès-verbal de saisie sur compte bancaire infructueuse, de l’arrêt de l’activité de la société, du nombre de créanciers impayés, ou encore de la perte du capital social.
Il appartient au juge d’effectuer les recherches nécessaires afin d’établir la cessation des paiement. En cas de doute, le président du tribunal peut ordonner une enquête en vue de collecter « tous renseignements sur la situation financière, économique et sociale de l’entreprise ».
Le juge apprécie souverainement si le débiteur est dans l’incapacité de faire face au passif exigible. Sa décision doit être motivée au jour où il statue et caractériser la cessation des paiement. Par exemple, le seul fait que le débiteur n’ait pas réglé les salaires de ses employés ne suffit pas à caractériser la cessation des paiements (Cass. com., 29 oct. 2002, n°99-20.418).
Plus récemment, il a été jugé que le défaut de réponses aux conclusions du débiteur constitue un défaut de motifs (le débiteur invoquait avoir un chèque de banque pour couvrir son passif ; Cass. com., 17 nov. 2021, n°20-17.547)
La preuve sera plus facile à apporter lorsque le débiteur est lui-même à l’initiative de la demande. Pour rappel, celle-ci doit intervenir au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements s’il n’a pas, dans ce délai, demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation (art.L631-4 C.com et L.640-4 C.com).
La date de cessation des paiements
Il revient au tribunal de fixer la date de la cessation de paiement.
Lorsque le juge est dans l’impossibilité de déterminer avec exactitude la date de cessation de paiements, celle-ci est réputée être intervenue à la date du jugement qui la constate (L.631-8 C.com).
Le juge peut décider de fixer la date de la cessation des paiements à une date antérieure à celle du jugement d’ouverture. La date choisie ne peut toutefois pas être antérieure à plus de dix-huit mois à la date du jugement d’ouverture ou correspondre à une date à laquelle le débiteur ne pouvait faire l’objet d’une procédure collective (ex : décès du débiteur, radiation).
Celle-ci peut à tout moment être modifiée par le tribunal.
Depuis la loi du 26 juillet 2005, la date de cessation des paiements ne peut, sauf cas de fraude, être reportée à une date antérieure à la décision définitive ayant homologué l’accord amiable lorsque l’entreprise a bénéficié d’une procédure de conciliation.
Il est à noter que la fixation de la date de cessation de paiement est un enjeu majeur. En effet, elle permet notamment de déterminer la « période suspecte » délai entre le jour de la cessation de paiement et le jugement d’ouverture qui entraine la nullité de certains actes (articles L. 632-1 à L. 632-4 du code de commerce).
De plus, la date fixée s’impose à tous, et permet de déterminer l’éventuelle faute du dirigeant liée à un retard dans la déclaration de cessation de paiement et d’engager une action en comblement du passif (C. com., art. L. 651-2).
Les conséquences de la cessation de paiement
La cessation des paiements impose au débiteur de déclarer sa situation dans un délai de 45 jours au plus tard (art. L.631-4 et L.640-4 C.com). Celle-ci le prive de la possibilité de bénéficier d’une procédure de sauvegarde (C. com., art. L. 620-1).
La cessation des paiements va déclencher l’ouverture d’une procédure de redressement ou liquidation judiciaire devant le tribunal de commerce (C. com., art. L. 631-1 et C. com., art. L. 640-1).
Deux possibilités, soit le débiteur déclare lui-même sa cessation de paiement, soit un créancier lui délivre une assignation en ouverture de procédure de liquidation.
Dans le premier cas, le débiteur sera convoqué en chambre du conseil aux fins de prononcer l’ouverture d’une procédure de redressement ou liquidation judiciaire. Dans le deuxième cas, le débiteur sera convoqué à une audience d’orientation. Si le débiteur n’apporte aucun élément sur l’absence de cessation de paiement, l’affaire sera renvoyée devant la chambre du conseil.
Compte tenu des éléments, le juge prononcera l’ouverture d’une procédure ou pas.
A noter : Le débiteur en cessation de paiement peut demander à bénéficier d’une procédure de conciliation si sa situation financière caractérisée par un état de cessation des paiements ne remonte pas à plus de quarante-cinq jours (C. com., art. L. 611-4).
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