Comment choisir l’objet social de la société : Rôle et limites
La définition de l’objet social
L’objet social d’une société n’a pas de définition légale. Il se définit comme l’ensemble des activités qu’une société peut exercer dans le but de réaliser des bénéfices ou économies. L’objet social offre un choix d’activités possible à la société. Il n’a pas à être réalisé dans son ensemble. Les associés fondateurs décident de l’objet social dès la constitution de la société. Les articles 1835 du Code civil et L. 210-2 du Code de commerce prévoient que l’objet social est déterminé par la description faite dans les statuts.
Dès lors, l’objet social doit obligatoirement être décrit dans les statuts, pour être connu des tiers qui traitent ou envisagent de traiter avec la société.
La distinction entre l’objet social et activité exercée
L’objet social doit être distingué de l’activité sociale. En effet, l’objet social est un ensemble d’activités possibles, alors que l’activité sociale est l’activité déclarée auprès du greffe, c’est à dire l’activité exercée par un ou des établissements. Lors de la déclaration aux fins d’immatriculation la loi impose de mentionner les activités principales de la société et non pas celle de l’objet social (C. com., art. R. 123-53, 6).
Il est à préciser que le K-BIS ne mentionne pas l’objet social de la société mais uniquement l’activité exercée par l’un ou les établissements de la société. Toutefois, l’activité déclarée et exercée doit être conforme à l’objet social. Pour cela, l’objet social peut être défini de façon très large (par exemple : restauration sous toutes leurs formes) alors que l’activité exercée pourra être réduite selon l’établissement (restauration à emporter).
L’activité va déterminer le code APE de l’établissement et ainsi définir la convention collective applicable. Il est donc très important de bien vérifier si l’activité mentionnée correspond au code APE souhaité. Attention, si l’activité déclarée n’est pas l’activité réelle, les juges peuvent évincer l’activité déclarée et prendre en compte l’activité réelle de la société. Ainsi, l’activité réelle sera prise en compte pour déterminer la convention collective applicable : « il convient de se référer à l’activité principale de l’entreprise et non pas à l’objet social défini dans les statuts » (Cass. Soc. 26 janv. 2005, n°02-47.685).
Il en est de même pour l’application d’une clause de non-concurrence (Cass. Soc. 12 fév.2002, n°99-44.567), « la portée d’une clause de non-concurrence doit s’apprécier par rapport à l’activité réelle de l’entreprise et non par rapport à une définition statutaire de son objet ; que pour dire la clause litigieuse valable la cour d’appel, qui a retenu un objet statutairement défini, et non pas l’activité réellement exercée par la société Acte informatique, a violé l’article 1134 du code civil » (CA Bordeaux, 4 janv. 2005, n° 02/06305).
L’étendu et les limites de l’objet social
En principe, sous réserve du respect de l’ordre public et des bonnes mœurs, les associés disposent d’une grande liberté dans la détermination de l’objet statutaire.
L’objet social peut décrire l’activité principale de façon précise ou de manière plus large. En pratique elle s’élargit en indiquant notamment que « la société pourra réaliser ou participer à la réalisation de toutes opérations se rattachant directement ou indirectement aux activités spécifiées ». Si l’objet social peut être large, il ne peut pas être trop vague. Par exemple la société ne peut avoir comme objet social l’accomplissement de « toutes opérations commerciales, industrielles ou financières ».
Attention, les formulations trop extensives doivent être évitées dans les sociétés où les pouvoirs des dirigeants à l’égard des tiers sont limités par l’objet social (SNC, commandite simple). Dans ce cas, définir trop largement l’objet sociale prive les associés d’une importante garantie et comporte le risque d’aggraver leur obligation indéfinie et solidaire au passif.
L’exigence d’un objet licite et possible
Sur le caractère licite de l’objet social :
La société doit avoir un objet licite, c’est-à-dire qui ne soit pas contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs, sinon sa nullité pourrait être prononcée. « Toute société doit avoir un objet licite » (C. civ., art. 1833). Comme indiqué précédemment, la licéité de l’objet est également déterminée à partir de l’activité réellement exercée par la société et non pas à partir de celles indiquées dans les statuts.
En pratique, la nullité de la société pour objet illicite est rarement prononcée par les tribunaux. Les illustrations d’illicéité de l’objet sont anciennes. Cela concerne l’hypothèse de la société ayant pour objet le proxénétisme, la contrebande, ou le commerce avec l’ennemi. On citera également la fraude fiscale (Cass. req, 8 nov. 1880, DP 1881, I, p. 115), l’exploitation d’une maison de tolérance (Cass. req, 24 mai 1913), le commerce avec l’ennemi (Cass. com., 19 juill. 1954,) ou la mise sur pied d’une entente illicite (CA Lyon, 13 juin 1960).
Les fondateurs doivent également vérifier si l’activité choisie est réglementée ou pas. Dans certaines sociétés dotées d’une réglementation spéciale, l’objet doit être strictement défini. En effet, dans ce cas l’objet social permet d’obtenir un statut particulier. Par exemple les SICOMI (sociétés immobilières pour le commerce et l’industrie) doivent avoir pour objet exclusif « la location d’immeubles à usage professionnel ». Autre exemple, les sociétés mixtes d’intérêt agricole doivent avoir pour objet « la transformation ou la commercialisation de produits agricoles » (C. rur., art. L. 541‐1).
En outre, il arrive que certaines activités licites en elles‐mêmes soient interdites à certaines sociétés ou, soient soumises à des conditions particulières lorsqu’elles sont exercées en sociétés. A titre d’exemple, le code de la santé publique n’autorise pour l’exploitation d’officines de pharmacie que certain type de société ou encore l’exploitation d’un tabac qui ne peut être exercée que sous la forme d’une SNC. Dès lors, outre le fait que les sociétés ne peuvent exercer une activité illégale, les associés devront veiller à respecter les réglementations spécifiques de l’activité exercée.
Sur le caractère possible de l’objet social :
L’activité prévu par les statuts doit également être possible. Le cas échéant la société ne pourrait finalement pas exister compte tenu de son absence de but. Il faudra donc être vigilant lors de la constitution de la société à choisir un objet social réalisable. Si l’objet social devient impossible en cours de vie sociale, la dissolution de plein droit de la société sera prononcée pour extinction de l’objet social. (Cass. 1re civ., 16 juill. 1968, no 66‐13.957).
Toutefois, l’impossibilité de réaliser l’objet social, postérieurement à la constitution, est très rare. En effet, compte tenu de la détermination souvent large de l’objet social, les juges constate que la société peut poursuive d’autres activités (Cass. com., 7 oct. 2008, no 07‐18.635).
L’importance de l’objet social sur les actes accomplis par le dirigeant
Par principe les dirigeants ont été désignés dans l’objectif de mener au mieux les activités déterminés par l’objet social. Ils ne peuvent en principe réaliser un acte qui ne serait pas compris dans l’objet social. L’acte accompli par le dirigeant qui excèderait l’objet social, pourrait, sous certaines conditions, encourir la nullité et engager la responsabilité du dirigeant.
Toutefois ces sanctions sont rares et dépendent du type de sociétés. Dans les sociétés en nom collectif et en commandite simple, l’objet social est une limite aux pouvoirs des dirigeants, même à l’égard des tiers (C. com., art. L. 221‐5 et L. 222‐2). Autrement dit, la société ne serait pas engagée par l’acte qui dépasse l’objet social. La restriction de l’objet social permet ainsi de restreindre le gérant dans la réalisation de ses actes. Il joue donc un rôle important puisqu’il constitue le seul moyen de protéger les associés contre les abus que pourraient commettre les dirigeants.
A contrario, dans les SARL et les sociétés par actions, les dirigeants engagent la société même par les actes passés en dehors de l’objet social (C. com., art. L. 223-18, L. 225-35, L. 225-56, L. 226-7 et L. 227-6). Dans ce cas, le non-respect de l’objet social ne met pas en cause la validité de l’acte. Dès lors, à supposer que le gérant d’une SARL réalise un acte en dehors de l’objet social, la société sera engagée et il ne sera pas possible de demander la nullité sur ce fondement.
Toutefois, la société ne sera pas engagée si elle prouve que le tiers avec lequel le dirigeant a contracté connaissait le dépassement de l’objet social ou ne pouvait l’ignorer compte tenu des circonstances. Cette preuve reste néanmoins difficile à apporter en pratique (CA Versailles, 13e ch., 7 mars 1996). Dès lors la seule sanction sera d’engager la responsabilité des dirigeants fautifs. En rédigeant de manière judicieuse la clause de l’objet social, les associés pourront éventuellement protéger la société contre des actes abusifs ou actes de collusion des dirigeants.
Les événements impactant l’objet social et ses conséquences
Le changement d’objet social
L’objet social est mentionné dans les statuts. Sa modification, totale ou partielle, doit être décidée par les associés selon les règles de majorité prévues pour les modifications statutaires. C’est donc en principe une assemblée générale extraordinaire.
L’article R.123-53,6° prévoit que la société déclare son ou ses activités principales, et non pas son objet social. Dès lors une modification de l’objet social qui n’entraînerait pas corrélativement celle de l’activité principale exercée ne nécessite pas le dépôt d’une inscription modificative à ce registre. A contrario, la société qui souhaite ouvrir un nouvel établissement dont l’activité n’est pas mentionnée dans l’objet social, devra réaliser les formalités de modification.
La réalisation ou l’extinction de l’objet social
Il y a extinction de l’objet lorsque celui-ci est devenu impossible. L’extinction recouvre deux hypothèses. La société prend fin par la réalisation ou l’extinction de son objet (C. civ., art. 1844-7, 2°).
Soit l’objet social est entièrement réalisé. Tel est le cas de la société constituée pour mener à bien un chantier de construction particulier, une fois l’ouvrage achevé. Il ne faut que la société puisse poursuivre son activité (par exemple en se lançant dans un nouveau chantier).
Concernant l’extinction de l’objet social, selon la jurisprudence, cela vise les sociétés ayant un objet limité. Il y a extinction de l’objet lorsque celui-ci est devenu impossible. L’extinction peut résulter de la disparition physique ou juridique de l’objet. Ce n’est qu’en cas de disparition juridique de l’objet, que la société est dissoute (révocation d’une concession minière. Cass. civ., 17 déc. 1934)
Soit il y a impossibilité absolue de la mise en œuvre de l’objet social. Si le fonds de commerce constitue l’unique ou l’élément essentiel de l’actif social, sa vente peut impliquer la modification, voire l’extinction de l’objet social (Com. 18 oct. 1994, n°92-21.485).
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