La révocation ad nutum, expression latine signifiant « d’un simple signe de tête », désigne une faculté de mettre fin à un acte juridique ou à une relation contractuelle de manière unilatérale et discrétionnaire, sans avoir à justifier d’un motif particulier ni à respecter un préavis. Cette notion, bien que rare en droit français, trouve une application essentielle dans certaines relations contractuelles et statutaires, notamment en droit des sociétés, en droit du travail, et en droit administratif.
Définition
La révocation ad nutum est un pouvoir de résiliation ou de destitution exercé librement par une partie à un contrat ou une relation juridique. Elle se distingue des autres formes de révocation qui exigent un motif légitime, un préavis ou une procédure particulière.
Cette faculté repose sur plusieurs principes juridiques :
- Le principe de liberté contractuelle (article 1102 du Code civil), qui permet aux parties de convenir librement des conditions de rupture d’un contrat.
- Le principe de libre révocabilité de certaines fonctions ou mandats en raison de leur nature particulière.
Domaine d’application
La révocation ad nutum trouve à s’appliquer principalement dans trois domaines :
- Droit des sociétés : révocation des dirigeants sociaux.
- Droit du travail : révocation de certaines fonctions spécifiques.
- Droit administratif : destitution de certains agents publics.
La révocation ad nutum en droit des sociétés
Révocation des dirigeants sociaux
L’un des principaux domaines d’application de la révocation ad nutum concerne les dirigeants sociaux, notamment :
- Les présidents de SAS : révocables dans les conditions prévues par les statuts (article L. 227-5 du Code de commerce), souvent ad nutum, sauf clause contraire.
- Les administrateurs et directeurs généraux de SA (articles L. 225-47 et L. 225-55 du Code de commerce) : révocables à tout moment par l’assemblée générale.
Attention, les gérants de SARL doivent être révoqués par juste motif, et ne peuvent donc être limogés ad nutum (article L. 223-25 du Code de commerce)
Régime juridique et conséquences
Si la révocation ad nutum est la règle, elle doit cependant respecter certains principes :
- Absence de juste motif exigé : la révocation est discrétionnaire.
- Interdiction des abus : une révocation abusive peut donner lieu à des dommages-intérêts si elle est injurieuse, vexatoire ou brutale.
- Droit à une indemnisation : si un dirigeant est lié par un contrat de travail, la révocation de son mandat n’implique pas nécessairement la rupture de son contrat de travail.
La révocation ad nutum en droit du travail
Cas des mandataires sociaux et salariés protégés
En principe, le licenciement d’un salarié doit être justifié par une cause réelle et sérieuse (article L. 1232-1 du Code du travail). Toutefois, certains postes et fonctions peuvent faire l’objet d’une révocation ad nutum :
- Les mandataires sociaux (président de SAS, etc.) : si un dirigeant est également salarié, sa révocation ad nutum ne signifie pas nécessairement la fin de son contrat de travail.
- Les salariés en période d’essai : l’employeur peut mettre fin au contrat sans justification.
- Les collaborateurs de cabinet en droit public : révocables à tout moment.
Limites et recours
Bien que la révocation soit discrétionnaire, certaines limites existent :
- Interdiction de la discrimination : un salarié ne peut être révoqué pour un motif discriminatoire (article L. 1132-1 du Code du travail).
- Protection des représentants du personnel : leur révocation nécessite l’accord de l’Inspection du travail.
- Recours pour abus de droit : un dirigeant révoqué dans des conditions humiliantes peut obtenir réparation.
La révocation ad nutum en droit administratif
Révocation des agents publics
En droit administratif, certains agents et collaborateurs sont soumis à une révocation ad nutum, notamment :
- Les préfets et hauts fonctionnaires nommés en Conseil des ministres.
- Les collaborateurs de cabinet ministériel et communal.
- Certains agents contractuels recrutés pour des missions temporaires.
Contrôle du juge administratif
Bien que la révocation ad nutum soit un principe, elle est soumise à un contrôle minimal du juge administratif pour éviter les abus :
- Le principe d’égalité et de neutralité : un agent public ne peut être révoqué pour des motifs politiques ou discriminatoires.
- L’interdiction des mesures vexatoires : une révocation portant atteinte à la dignité du fonctionnaire peut être annulée.
- Le respect du contradictoire : un agent peut contester sa révocation devant le juge administratif.
Conclusion
La révocation ad nutum est une prérogative importante en droit, permettant d’assurer la flexibilité et la réactivité dans certaines relations contractuelles ou statutaires. Toutefois, cette liberté est encadrée pour éviter les abus et protéger les droits des personnes concernées. Son application varie selon les domaines juridiques, et son exercice peut être contesté en cas d’abus manifeste ou de violation des principes fondamentaux du droit.