L’abus de biens sociaux consiste dans le fait, pour les dirigeants de certaines sociétés, d’user des biens de la société à des fins personnelles, de manière intentionnelle et contraire à l’intérêt social de la société. C’est une infraction pénale réprimandée par les articles L. 241-3, 4° et L. 242-6, 3° du code de commerce.
L’abus de biens sociaux s’applique à l’égard de certains dirigeants de sociétés commerciales. L’infraction est caractérisée lorsque le dirigeant fait un usage des biens de la société à son profit personnel de manière direct ou indirect, de mauvaise foi et contraire à l’intérêt de la société.
Quatre éléments sont donc nécessaires à la qualification de l’infraction :
– un usage des biens de la société
– contraire à l’intérêt de la société,
– destiné aux fins personnelles du dirigeant direct ou indirectement,
– et fait de mauvaise foi (avec intention).
Si ces quatre conditions sont réunies l’auteur des faits risque une condamnation pénale.
Quelles sont les personnes concernées par l’infraction ?
Le délit d’abus de biens sociaux concerne les dirigeants de sociétés commerciales situés en France et s’applique à l’égard :
– Des gérants de la SARL, EURL (art. L 241-3 c.com).
– Du président, des directeurs généraux et des administrateurs de société anonyme, ainsi que toutes les personnes ayant un mandat de gestion dans une société de capitaux, SAS (renvoi L.244-1 C.com), SCA (renvoi L.243-1 C.com) …
– Du liquidateur de toute société commerciale (C. com., art. 247-8).
– Du dirigeant de fait (Cass. 19 mai 2016, n° 14-88.387).
Enfin, certains acteurs ayant concouru à l’infraction peuvent être condamnés pour complicité ou recel. Par exemple, expert-comptable, commissaire aux comptes, banquier ou encore ami du dirigeant.
Rappel : Les faits similaires commis par les gérants des sociétés civiles relèvent de l’abus de confiance.
L’utilisation des biens de la société
Le délit d’abus de biens sociaux suppose un simple usage frauduleux des biens. L’usage consiste en l’utilisation du bien et n’exige pas son appropriation (Cass. crim. 8 mars 1967, no 65-93.787).
L’acte d’usage nécessite en principe un acte positif même si certains arrêts semblent admettre un acte par abstention. Ce sera notamment le cas, si le gérant omet de réintégrer dans l’actif de la société une somme perçue par erreur (Cass. crim. 28 janv. 2004, n° 02-87.585).
L’utilisation doit porter sur un ou plusieurs biens appartenant à la société. Les biens les plus fréquemment appropriés sont les liquidités par prélèvement ou les espèces. D’autres biens sont également utilisés de manière illicite. Il peut s’agir des biens mobiliers corporels (voitures, ordinateurs), incorporels (fonds de commerce, parts sociales) ou encore immobiliers qui peuvent faire l’objet d’une utilisation contraire à l’intérêt de la société.
Une utilisation contraire à l’intérêt de la société
Constitue une utilisation contraire à l’intérêt de la société les actes de prélèvements sur le compte de la société effectués pour des besoins personnels (Cass. crim. 28 sept. 2016, no 15-84.485) ou encore injustifiée.
De même, il est de jurisprudence constante que la rémunération non autorisée constitue un abus de bien sociaux si elle n’est pas prévue par les statuts ou par une décision des associés.
Ce sera également le cas de tous les actes de détournement de fonds, lorsque le dirigeant s’approprie de l’argent en réalisant des ventes sans factures (Cass. crim. 6 avr. 2016, no 15-81.859) ou si celui-ci s’approprie des sommes provenant de la vente des biens appartenant à la société (Cass. crim. 4 mai 2016, no 14-88.237) ou encaisse des loyers dus à la société (Cass. crim. 9 mars 2016, no 14-88.074).
Toutefois, certains actes de prélèvement ne semblent pas constituer un acte d’abus de bien sociaux. Il s’agit de la reprise sur compte courant. Pour rappel, l’associé peut prêter de l’argent à la société par son compte courant d’associé qu’il peut reprendre à tout moment, sauf convention contraire. Dès lors, ce type de prélèvement ne constitue pas un abus de bien sociaux, sous réserve de ne pas dépasser le montant du compte courant d’associé.
Enfin, il est intéressant de remarquer que certains actes illicites peuvent être bénéfique à la société notamment en cas de corruption aux fins de décrocher un marché public. Dans ce cas, la jurisprudence considère qu’un acte illicite est par nature contraire à l’intérêt social. En effet l’acte illicite entraine un risque anormal de poursuites pénale ou fiscales contraire à l’intérêt de la société ou encore parce qu’il porte atteinte à sa réputation (Cass. crim. 27 oct. 1997, n° 96-83.698).
Une utilisation au profit du dirigeant
L’acte doit à la fois être contraire à l’intérêt social et servir l’intérêt personnel direct ou indirect du dirigeant. L’intérêt personnel direct peut consister dans un avantage d’ordre matériel. Par exemple, lors de l’appropriation de biens, de prélèvements et/ou en présence d’une « caisse noire ». L’avantage peut également être moral. Ce sera notamment le cas si le dirigeant recherche un prestige ou une notoriété particulière à des fins politiques (Cass. crim., 20 mars 1997, no 96-81.361) ou pour soutenir un membre de sa famille ou un ami.
L’intérêt personnel peut également être indirect lorsque le dirigeant favorise une autre société ou entreprise dans laquelle il est intéressé directement ou indirectement. Cette situation peut soulever des difficultés en présence de groupement de sociétés.
La mauvaise foi ou « L’intention » du dirigeant
L’intention doit être constatée par les juges. C’est un élément nécessaire à la qualification de l’infraction. Le dirigeant doit avoir agi de mauvaise foi. Cela signifie qu’il doit avoir conscience que l’usage qu’il fait des biens est contraire à l’intérêt de la société. La mauvaise foi du dirigeant peut se déduire de la matérialité des faits (Cass. crim. 31 mars 2017, no 16-81.847).
La sanction en cas d’abus de bien sociaux
Le délit d’abus de biens sociaux est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 € d’amende pour les dirigeant de la SARL et des sociétés de capitaux. Le liquidateur de toute société commerciale qui commet un abus encourt une peine d’emprisonnement de cinq ans et une amende de 9 000 € (C. com., art. L. 247-8). En ce cas de circonstances aggravantes, prévus aux articles L.241-3 al. 8 et L.242-6 al.6 du C.com, la peine d’emprisonnement est de sept ans et 500 000 € d’amende.
A ces sanctions viennent s’ajouter les sanctions civiles, sous forme de dommages-intérêts, destinées à réparer le préjudice subi par la société. De plus, s’ajoute également les peines complémentaires d’interdiction d’exercer une activité commerciale ou de diriger une société commerciale, de manière définitive ou d’une durée de dix ans au plus, prévu par l’article L.249-1 C.com (voir également C. pén., art. 131-27, al.2).
En principe, le délit d’abus de biens est une infraction instantanée qui se prescrit dans un délai de 6 ans à compter de sa commission (art. 8. al.1 CPP). Toutefois, le départ du délai peut être retardé en cas de dissimulation. En effet, l’infraction occulte ou dissimulée court à compter du jour où l’infraction est apparue et a pu être constatée, sans que le délai de prescription puisse excéder douze années révolues pour les délits, à compter du jour où l’infraction a été commise (art.9-1 al.3 CPP).