La clause de buy or sell (ou clause texane), bien que moins connue que d’autres mécanismes de résolution de conflits entre associés, est un outil redoutablement efficace dans les pactes d’actionnaires et les statuts de sociétés. Elle permet de régler les situations de blocage entre actionnaires ou associés en instaurant un mécanisme de cession forcée des actions selon un principe d’enchère inversée.
Loin d’être anecdotique, la clause de buy or sell est particulièrement prisée dans les entreprises à actionnariat restreint (joint-ventures, PME, startups) où les décisions stratégiques nécessitent une collaboration fluide entre les associés.
Définition
La clause de buy or sell repose sur un principe simple : lorsqu’un désaccord irréconciliable survient entre deux associés principaux, l’un d’eux peut initier un processus d’enchère qui conduit à la cession forcée des titres de l’un des deux protagonistes. Cette enchère repose généralement sur le principe du « prix imposé, choix imposé », ce qui en fait un outil de résolution efficace et rapide.
Mécanisme de l’enchère inversée
1. Déclenchement : Lorsqu’un conflit survient, un associé peut déclencher la clause de buy or sell en proposant un prix par action auquel il est prêt à acheter les actions de l’autre associé.
2. Réponse obligatoire : L’autre associé a alors deux choix :
- Accepter de vendre ses actions au prix proposé.
- Racheter les actions du premier associé au même prix par action.
3. Finalisation : L’associé qui accepte de vendre quitte la société, et l’associé restant devient propriétaire de l’intégralité des titres en jeu.
Ce système garantit une certaine équité, car l’initiateur de l’enchère doit proposer un prix qu’il est prêt à payer lui-même en cas de retournement de situation.
Objectifs et intérêts
Prévenir les conflits durables : Dans une société à actionnariat restreint, un blocage prolongé peut gravement nuire à la pérennité de l’entreprise. La clause de buy or sell permet d’offrir une sortie ordonnée et rapide à l’un des associés.
Garantir une évaluation objective des titres : L’enchère inversée oblige les parties à proposer un prix juste, puisque l’initiateur doit être prêt à acheter ou à vendre à ce prix. Cela évite les évaluations biaisées ou déloyales.
Éviter les recours judiciaires : Plutôt que de recourir aux tribunaux pour résoudre un conflit d’associés, la clause de buy or sell offre un mécanisme contractuel rapide et efficace, réduisant ainsi les coûts et les délais liés à un contentieux.
Validité et limites juridiques de la clause de buy or sell en droit français
Si la clause de buy or sell est largement utilisée dans le monde anglo-saxon, son application en droit français doit respecter plusieurs principes :
Principe de liberté contractuelle
La clause de buy or sell est licite en droit français, à condition qu’elle soit rédigée de manière claire et non abusive. Elle doit être intégrée soit dans les statuts de la société, soit dans un pacte d’actionnaires, en veillant à respecter l’équilibre des droits entre les parties.
Respect de l’interdiction des clauses léonines
L’article 1844-1 du Code civil interdit les clauses léonines qui attribueraient tous les bénéfices ou exonéreraient un associé de toute contribution aux pertes. La clause de buy or sell doit donc garantir une évaluation équitable et éviter une spoliation abusive d’un associé.
Compatibilité avec les règles de droit des sociétés
Dans les sociétés par actions simplifiées (SAS), la souplesse statutaire permet une plus grande liberté pour intégrer une clause de buy or sell dans le pacte d’actionnaires. Dans les sociétés anonymes (SA), la cession des actions est un peu plus encadrée, ce qui peut limiter l’application de la clause de buy or sell.
Enfin, dans les SARL, la clause de buy or sell peut être plus délicate à mettre en œuvre en raison de l’agrément des associés sur la cession des parts sociales.
Précautions à prendre et négociation de la clause de buy or sell
Définir précisément les conditions de déclenchement
Il est essentiel de préciser les situations dans lesquelles la clause peut être activée, à savoir :
- Blocage persistant dans la gestion de l’entreprise.
- Désaccord stratégique majeur sur l’orientation de la société.
- Situation où les associés ne parviennent plus à travailler ensemble.
Prévoir un mécanisme de financement
Le rachat des actions peut représenter un coût élevé pour l’associé restant. Il peut être judicieux d’inclure des facilités de paiement ou de prévoir une garantie bancaire pour sécuriser l’exécution de la clause.
Éviter les abus et les stratégies opportunistes
Un associé pourrait tenter d’imposer un prix artificiellement bas pour forcer l’autre à vendre. Il peut être utile de prévoir un garde-fou, comme une évaluation indépendante ou une clause de révision du prix en cas de contestation.
Conclusion
La clause de buy or sell est un mécanisme puissant pour résoudre les conflits entre associés et éviter les blocages nuisibles à la gestion d’une entreprise. Son application en droit français nécessite une rédaction soignée pour éviter les risques de nullité ou d’abus.
Intégrée judicieusement dans un pacte d’actionnaires, elle offre une solution rapide et équilibrée aux conflits internes, en garantissant une sortie équitable à l’un des associés. Sa mise en œuvre doit cependant être accompagnée de garanties pour éviter toute exploitation abusive et assurer une valorisation correcte des titres concernés.
Le recours à un avocat spécialisé en droit des affaires est vivement recommandé pour encadrer cette clause et assurer sa conformité avec les principes légaux en vigueur.