Cass. Com., 20 novembre 2024 – Pourvoi n° 23-12.297
Rappel des faits et procédure
La société JBC, dirigée par M. [M], a été mise en redressement judiciaire le 16 mars 2017 après une déclaration de cessation des paiements déposée le 3 février 2017. La procédure a ensuite été convertie en liquidation judiciaire.
Le liquidateur a engagé une action contre M. [M] en responsabilité pour insuffisance d’actif, reprochant notamment un retard dans la déclaration de cessation des paiements, laquelle a été fixée rétroactivement au 16 septembre 2015.
La cour d’appel de Poitiers a condamné M. [M] à payer 150 000 euros au titre de l’insuffisance d’actif, estimant qu’il avait commis une faute de gestion en retardant la déclaration de cessation des paiements, et ce, malgré l’ouverture d’une procédure de conciliation en 2015. M. [M] a formé un pourvoi en cassation.
Problème de droit
Un dirigeant est-il tenu de déclarer l’état de cessation des paiements durant une procédure de conciliation ?
Le retard dans la déclaration peut-il constituer une faute de gestion engageant la responsabilité du dirigeant pour insuffisance d’actif
Solution
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel, rappelant que :
En vertu des articles L. 611-4 et L. 631-4 du Code de commerce, un dirigeant n’est pas tenu de déclarer l’état de cessation des paiements tant qu’une procédure de conciliation est en cours. L’obligation de déclaration prend effet immédiatement à l’expiration de cette procédure.
La cour d’appel a violé ces textes en considérant que la procédure de conciliation n’exonérait pas M. [M] de ses obligations. Elle aurait dû examiner si M. [M] avait respecté son obligation de déclaration à la fin de la conciliation pour apprécier une éventuelle faute.
Motifs
Sur l’exonération durant la conciliation :
Le délai de quarante-cinq jours pour déclarer la cessation des paiements est suspendu pendant une procédure de conciliation. Ce mécanisme vise à favoriser la recherche d’un accord entre le débiteur et ses créanciers sans aggraver la situation juridique du dirigeant.
Sur l’imputabilité du passif :
La Cour de cassation précise que pour engager la responsabilité d’un dirigeant en insuffisance d’actif, il faut démontrer une faute distincte et prouvée. En l’espèce, le passif imputable à M. [M] doit être apprécié à l’expiration de la procédure de conciliation et non avant.
Analyse
Cet arrêt confirme que la conciliation protège le dirigeant en suspendant son obligation de déclarer l’état de cessation des paiements, renforçant ainsi l’attractivité de ce mécanisme dans la gestion des difficultés des entreprises.
En outre, la Cour rappelle qu’une condamnation pour insuffisance d’actif nécessite une analyse rigoureuse des fautes de gestion. En l’absence de manquements caractérisés à l’issue de la procédure de conciliation, la responsabilité du dirigeant ne peut être retenue.
Conclusion
Cette décision est importante car elle réaffirme les protections conférées par la procédure de conciliation, tout en soulignant que la responsabilité des dirigeants ne peut être engagée qu’après une analyse précise du moment où les obligations légales prennent effet. Elle offre ainsi une sécurité juridique aux chefs d’entreprise face aux risques liés à la gestion des difficultés financières.