Arrêt de la Cour de cassation du 20 novembre 2024 – Pourvoi n° 23-14.331
Rappel des faits
Dans le cadre d’un programme de défiscalisation « Girardin solaire Hedios » en 2010, M. [K] a investi dans des centrales photovoltaïques en vue d’obtenir une réduction d’impôt sur le fondement de l’article 199 undecies B du code général des impôts.
L’administration fiscale ayant remis en cause cette réduction, M. [K] a assigné la société Hedios pour manquement à ses obligations, qui a elle-même appelé en garantie ses assureurs, les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles. Hedios a soutenu que ces dernières devaient couvrir sa responsabilité en raison de l’activité d’ingénierie financière prévue dans le contrat d’assurance.
La cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 6 février 2023, a rejeté la demande de garantie d’Hedios en considérant que l’activité de montage d’opérations de défiscalisation ne relevait pas de la garantie des assureurs.
Procédure
Hedios a formé un pourvoi en cassation, invoquant une dénaturation du contrat d’assurance par la cour d’appel. Elle soutenait que l’activité de montage d’opérations de défiscalisation était incluse dans les activités garanties par la clause relative à l’ingénierie financière.
Il s’agissait de savoir, si le juge pouvait, en interprétant un contrat, exclure une garantie prévue par des clauses claires et précises, et ainsi dénaturer l’écrit soumis à son examen ?
Solution
La Cour de cassation casse et annule partiellement l’arrêt de la cour d’appel. Elle reproche à cette dernière d’avoir dénaturé les termes clairs du contrat d’assurance, qui incluait explicitement l’activité d’ingénierie financière ainsi que les opérations industrielles et immobilières de défiscalisation dans les DOM-TOM.
La Cour estime que le montage d’opérations de défiscalisation devait être couvert par l’assurance, en application des clauses contractuelles.
Analyse de la décision
1. Rappel des principes applicables
- Principe de non-dénaturation des écrits soumis au juge : En droit français, les juges ne peuvent modifier ou altérer la portée d’une clause contractuelle claire et précise (jurisprudence constante).
- Délimitation des activités assurées : L’interprétation des clauses d’un contrat d’assurance doit respecter les termes exacts des activités garanties et les exclusions prévues.
2. Erreur de la cour d’appel
La cour d’appel avait estimé que l’activité de montage d’opérations de défiscalisation différait de l’ingénierie financière, et donc n’était pas couverte par la garantie. Cependant, les termes du contrat d’assurance mentionnaient expressément la couverture des opérations de défiscalisation industrielles et immobilières, ce qui incluait le montage de telles opérations.
3. Position de la Cour de cassation
La Cour rappelle que le juge doit respecter les termes contractuels lorsqu’ils sont clairs et précis. En l’espèce, les clauses du contrat définissaient explicitement les activités garanties, et aucune exclusion spécifique ne visait le montage d’opérations de défiscalisation. En retenant une interprétation restrictive contraire au texte du contrat, la cour d’appel a dénaturé l’écrit.
Portée de la décision
Cette décision renforce le principe selon lequel le juge ne peut s’écarter des clauses explicites d’un contrat. Elle garantit la sécurité juridique des parties en s’assurant que les engagements contractuels sont interprétés et appliqués strictement selon leur lettre.
En matière d’assurance, cette solution est particulièrement importante pour les professionnels, qui doivent pouvoir se fier à une couverture conforme aux termes contractuels.
Cet arrêt marque une réaffirmation stricte du principe de non-dénaturation des écrits. Il souligne également l’importance de la précision dans la rédaction des contrats d’assurance, notamment pour définir l’étendue des garanties et des exclusions.