Arrêt : Cass. com., 23 octobre 2024 – Pourvoi n° 22-22.215
Faits et procédure
La Caisse régionale de crédit agricole mutuel Sud Rhône-Alpes (CRCAM) a assigné M. [T] en paiement en sa qualité d’avaliste d’un billet à ordre souscrit le 30 janvier 2019 par la société Sud Est Charpentes, dont M. [T] est le gérant. Ce billet à ordre comportait, au recto, la signature et le cachet de M. [T] en tant que souscripteur pour la société et en tant qu’avaliste. La banque a engagé une action pour obtenir le paiement du billet à ordre, alléguant que la signature au recto engageait personnellement M. [T] en tant qu’avaliste.
Question de droit
La question en litige porte sur l’interprétation des signatures apposées sur un billet à ordre. En particulier, il s’agit de déterminer si la signature de M. [T], apposée au recto du billet sous le cachet de la société, suffit à établir son engagement personnel en qualité d’avaliste, selon les articles L. 511-21 et L. 512-4 du Code de commerce.
Moyens et arguments des parties
La CRCAM soutient que, conformément à l’article L. 511-21 du Code de commerce, l’aval d’un billet à ordre résulte de la seule signature du donneur d’aval apposée au recto du billet. La banque argue que M. [T] est engagé personnellement en tant qu’avaliste du billet, en raison de sa signature, sans qu’il soit nécessaire de rechercher l’intention personnelle de l’avaliste.
M. [T], quant à lui, conteste son engagement personnel, en affirmant que la signature apposée au recto est simplement celle de son mandat social pour la société souscriptrice, sans intention de se porter garant personnellement.
Motivation et décision de la Cour de cassation
La Cour de cassation rappelle les articles L. 511-21 et L. 512-4 du Code de commerce, qui précisent que l’aval d’un billet à ordre est reconnu par la signature du donneur d’aval au recto, sauf s’il s’agit de la signature du souscripteur. En l’espèce, M. [T] avait signé le billet en tant que représentant légal de la société souscriptrice, en apposant sa signature sur le cachet de la société, tant pour la souscription du billet que pour la partie relative à l’aval. La Cour d’appel en avait conclu que cette signature ne permettait pas d’identifier un engagement personnel clair et distinct de M. [T] en qualité d’avaliste.
La Cour de cassation approuve cette analyse, confirmant que la signature de M. [T] ne constitue pas un engagement personnel, car elle a été apposée sous la même qualité de représentant de la société pour les deux parties du billet à ordre. Elle conclut que l’engagement d’aval exige une intention claire de garantie personnelle, laquelle ne peut être déduite de la seule signature en tant que mandataire social.
Portée de la décision
Cet arrêt illustre la rigueur de la Cour de cassation dans l’interprétation des engagements de garantie personnelle. Il rappelle que, même en présence de la signature au recto d’un billet à ordre, un engagement personnel en qualité d’avaliste nécessite une intention explicite. Cette décision met en lumière l’importance de distinguer l’engagement du représentant de celui de la personne physique pour éviter toute confusion. Les créanciers doivent veiller à obtenir une mention manuscrite ou une signature indépendante de la part de l’avaliste, en dehors de son mandat social, pour établir clairement un engagement personnel en cas de litige.