L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 2 octobre 2024 (n°23-15.995) aborde des questions relatives à la responsabilité des dirigeants d’entreprise en matière d’insuffisance d’actif, dans le cadre des procédures collectives. En clarifiant l’application de la loi du 9 décembre 2016, qui exonère les dirigeants de responsabilité en cas de simple négligence, la décision éclaire les contours de la notion de faute de gestion. Cette affaire, opposant M. [B] à Mme [M], liquidateur judiciaire de la société [B] Investissements, soulève des interrogations sur les critères permettant de caractériser la faute du dirigeant et la portée des obligations comptables.
Com. 2 oct. 2024, F-B, n° 23-15.995
Exposé des faits
La société [B] Investissements, dirigée par M. [B], a été placée en redressement judiciaire le 17 octobre 2016, avant d’être liquidée en mai 2018. Le liquidateur a alors engagé la responsabilité du dirigeant pour insuffisance d’actif, alléguant des fautes de gestion, notamment la poursuite d’une activité déficitaire et une comptabilité incomplète. La cour d’appel d’Aix-en-Provence a initialement condamné M. [B] à payer une somme conséquente au titre de cette insuffisance, se fondant sur des manquements dans la tenue de la comptabilité de la société.
Problématique
L’arrêt de la Cour de cassation s’interroge sur la qualification de la faute de gestion dans un contexte où la loi du 9 décembre 2016 exonère les dirigeants d’une simple négligence. La question essentielle est de savoir quelles preuves et quels éléments doivent être apportés pour établir une faute de gestion suffisamment grave pour engager la responsabilité du dirigeant au titre de l’insuffisance d’actif.
Analyse de la décision
La Cour de cassation rappelle que la loi du 9 décembre 2016 s’applique immédiatement aux procédures collectives en cours, précisant que pour condamner un dirigeant pour insuffisance d’actif, il doit être prouvé qu’il a commis des fautes de gestion autres que de la simple négligence. En l’espèce, la cour d’appel s’est fondée sur des éléments comptables jugés insuffisants pour établir que M. [B] avait rempli ses obligations en tant que dirigeant, mais n’a pas caractérisé de manière adéquate une faute qui dépasserait la simple négligence.
Ce point est essentiel : la Cour souligne que le simple fait de ne pas tenir une comptabilité complète ou de ne pas fournir les documents requis ne constitue pas nécessairement une faute de gestion caractérisée.
Cela implique que la responsabilité d’un dirigeant ne peut être engagée sur la seule base d’une négligence ou d’une gestion imprudente, mais nécessite une analyse plus approfondie des faits pour déterminer si les manquements relèvent d’une gestion délibérément fautive.
Portée de l’arrêt
L’arrêt a des conséquences importantes pour la protection des dirigeants d’entreprise, en clarifiant que la responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif doit être fondée sur une faute manifeste, et non sur des allégations de négligence. La décision souligne la nécessité pour les liquidateurs et les créanciers de prouver des comportements de gestion fautifs, allant au-delà de la simple absence de diligence, pour obtenir réparation.
La cassation de la décision de la cour d’appel, qui a été prononcée en raison de la caractérisation insuffisante des fautes, illustre la rigueur exigée par la Cour de cassation dans l’appréciation de la responsabilité des dirigeants, et envoie un message clair sur la nécessité de respecter le cadre juridique récemment instauré.
Conclusion
Cet arrêt est révélateur des évolutions en matière de responsabilité des dirigeants dans le contexte des entreprises en difficulté. En écartant la simple négligence comme fondement de la responsabilité pour insuffisance d’actif, la Cour de cassation encourage une plus grande prudence dans l’évaluation des fautes de gestion. Il rappelle également aux liquidateurs l’importance de démontrer des manquements graves pour engager la responsabilité des dirigeants, renforçant ainsi la protection de ces derniers.