L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 9 octobre 2024 illustre des enjeux fondamentaux liés à la responsabilité des cautions et à l’interruption de la prescription dans le cadre des procédures collectives. La société Heineken entreprise a contesté une décision de la cour d’appel de Rennes qui avait déclaré son action en paiement contre les sous-cautions, M. et Mme [P], irrecevable en raison de la prescription.
Com. 9 oct. 2024, FS-B, n° 22-18.093
Faits et contexte
L’affaire prend racine dans un prêt consenti à la société [P], garanti par un cautionnement solidaire de Heineken. Suite à la liquidation judiciaire de la société [P], Heineken a désintéressé la banque créancière et a tenté de récupérer les montants dus auprès de M. et Mme [P], sous-cautions. Cependant, la cour d’appel a jugé l’action de Heineken prescrite, estimant qu’elle aurait dû agir dans un délai de cinq ans après avoir réglé la créance en tant que caution.
Problématique
La question centrale porte sur l’application des articles 2241 et 2246 du Code civil, relatifs à l’interruption de la prescription. La Cour de cassation rappelle que la déclaration de créance au passif de la liquidation judiciaire interrompt le délai de prescription, non seulement à l’égard du débiteur principal, mais aussi des cautions, tant que la procédure collective n’est pas clôturée.
Analyse juridique
L’arrêt est particulièrement intéressant pour plusieurs raisons :
Interruption de la prescription :
La Cour souligne que la déclaration de créance, bien que faite par la caution, bénéficie à celle-ci en tant que cause interruptive de la prescription. Cela met en lumière le lien essentiel entre les mécanismes de cautionnement et les procédures collectives.
Nature de l’obligation de la sous-caution :
La Cour précise que l’obligation de la sous-caution vise à garantir la caution, non pas seulement contre le risque de paiement, mais aussi contre le risque de non-remboursement par le débiteur principal. Cela établit une protection renforcée pour la caution, soulignant son rôle actif dans la chaîne de responsabilités.
Conséquences pratiques :
En annulant l’arrêt de la cour d’appel, la Cour de cassation rétablit une certaine sécurité pour les créanciers, qui peuvent poursuivre les sous-cautions même après avoir payé le créancier principal, tant qu’ils respectent les délais impartis par la procédure collective.
Conclusion
En déclarant sa créance contre le débiteur principal, la caution interrompt le délai de prescription. Il est donc logique que cette interruption s’applique aussi aux sous-cautions qui garantissent le remboursement si le débiteur principal ne paie pas. La décision renforce ainsi la confiance dans le système juridique en garantissant que les engagements contractuels prennent effet, même en cas de défaillance du débiteur principal.