Rupture abusive des pourparlers : définition et application

par | 5 Juil, 2024 | Articles droit commercial, Exprime Avocat

La rupture abusive des pourparlers, également appelée rupture fautive des négociations, est une question récurrente en droit commercial. Elle constitue un sujet de préoccupation majeur dans le domaine des relations commerciales et peut entraîner des conséquences juridiques importantes pour les parties impliquées.

En principe, la rupture des négociations précontractuelles est libre (art.1112 C. civil). Toutefois, la conclusion définitive d’un contrat peut avoir un coût financier important, (frais de négociation, investissements préalables, etc.).

C’est pourquoi, la rupture des pourparlers doit être effectuée avec prudence sous peine d’engager la responsabilité de son auteur.

La mise en jeu de la responsabilité peut être engagée si, un cocontractant poursuit trop longtemps les négociations et tarde ensuite à rompre les pourparlers (Cass. com., 18 juin 2002, n°99-16.488).

De même, engage également sa responsabilité le cédant qui rompt sans raison légitime, brutalement et unilatéralement, les pourparlers avancés qu’il entretenait avec le cessionnaire qui avait déjà engagé des frais et qu’il a maintenu volontairement dans une incertitude prolongée en lui laissant croire que l’affaire allait être conclue à son profit (Cass. com., 18 janv. 2011, n°09-14.617).

Dès lors, la rupture des pourparlers doit donc être effectuée correctement sous peine d’engager la responsabilité de son auteur. Cette action soulève des questions délicates quant à la responsabilité précontractuelle et la réparation du préjudice subi par la partie lésée.

Définition et cadre juridique

Définition

La rupture brutale des pourparlers se produit lorsqu’une partie met fin de manière soudaine et inattendue aux négociations en cours, après avoir entretenu chez l’autre partie une attente légitime quant à la conclusion du contrat. Cette situation peut être particulièrement problématique lorsque les négociations étaient avancées et que l’une des parties a engagé des ressources significatives en vue de la conclusion de l’accord.

Cadre juridique

Le droit ne dispose pas de disposition législative spécifique régissant la rupture des pourparlers. Toutefois, la jurisprudence et la doctrine ont établi des principes permettant d’encadrer cette pratique.

Le principe de liberté contractuelle, reconnu par l’article 1102 du Code civil, permet à chaque partie de négocier et de rompre librement les pourparlers. Cependant, cette liberté trouve sa limite dans le principe de bonne foi, énoncé à l’article 1104 du Code civil, qui impose aux parties de se comporter de manière loyale et de ne pas abuser de leur droit de rupture.

+ depuis la réforme du droits des contrats de 2016, certaines nouvelles dispositions ont apporté un cadre juridique aux modalités de négociation (Voir code civil – sous-section : « Les négociations », articles 1112 à 1112-2).

L’action en responsabilité

La partie victime d’une rupture brutale des pourparlers peut engager la responsabilité civile délictuelle de l’autre partie sur le fondement de l’article 1240 du Code civil. Elle doit prouver une faute, un préjudice et un lien de causalité entre les deux. En effet, depuis longtemps, la jurisprudence rattache la faute précontractuelle à la responsabilité extracontractuelle​​. Dès lors, si aucun contrat de négociation préalable n’a été conclu, la rupture est régie par la responsabilité délictuelle. Ainsi, la victime devra prouver une faute, un préjudice et un lien de causalité entre les deux.

Faute : La faute réside dans la rupture injustifiée et soudaine des pourparlers, contraire à la bonne foi.

Préjudice : Le préjudice peut inclure les coûts engagés pour les négociations, la perte de chance de conclure le contrat et, dans certains cas, le manque à gagner.

Lien de Causalité : Il doit être direct entre la rupture des pourparlers et le préjudice subi.

La faute devra être qualifié et le préjudice quantifié.

Qualification de la faute

La faute lors de la rupture des pourparlers n’est pas nécessairement une faute qualifiée (intention de nuire, mauvaise foi, ou abus de droit). En effet, la jurisprudence se contente en général d’une faute ordinaire.

Telle est la position des juridictions du fond qui appliquent les règles de la responsabilité délictuelle dès qu’un des négociateurs « manque à la bonne foi qui doit présider aux relations commerciales » (CA Paris, 16 avr. 1991).

En effet, la Cour de cassation, sans exiger une faute particulièrement grave, se contente d’une violation des « règles de bonne foi dans les relations commerciales » pour reconnaître la responsabilité d’un contractant dans l’échec des négociations (Cass. com., 22 avr. 1997, n°94-18.953).

Ainsi, les juges peuvent condamner une partie sur la simple constatation qu’elle a « manqué de loyauté » envers son partenaire (Cass. com., 7 avr. 1998, n°95-20.361 ; Cass. com., 14 juin 2000, n°98-17.494).

Les éléments d’appréciation de la faute

L’avancement des négociations : L’un des principaux critères pour qualifier la faute est l’avancement des négociations. Plus les discussions sont avancées, plus la rupture sans motif légitime peut être considérée comme fautive. Les tribunaux examinent si les négociations ont atteint un stade où l’une des parties pouvait légitimement croire à la conclusion imminente du contrat.

La brutalité de la rupture : La manière dont les pourparlers sont rompus est également essentielle. Une rupture brutale, sans préavis ni explication, est souvent jugée fautive. Les exemples incluent des ruptures à la veille de la signature du contrat ou sans respecter les engagements préalables pris durant les négociations.

L’absence de motifs légitimes : Rompre les pourparlers sans motif légitime est un autre critère de faute. Les juges cherchent à savoir si la rupture était justifiée par des raisons sérieuses et objectives, ou si elle résultait de considérations internes fallacieuses.

Le préjudice et le montant des dommages et intérêts

Le juge peut accorder des dommages et intérêts pour compenser le préjudice subi par la partie lésée. Le montant des dommages et intérêts est évalué en fonction de l’ampleur du préjudice et des circonstances spécifiques de l’affaire.

La victime de la rupture peut demander réparation pour différents types de préjudices, et notamment :

  • Les frais inutilement exposés : La jurisprudence admet la réparation des frais engagés en vain, comme les études préliminaires ou les déplacements.
  • L’atteinte à l’image : La rupture peut affecter la réputation de la victime, surtout si celle-ci est une nouvelle société dépendant de sa crédibilité commerciale.
  • Les dommages de concurrence déloyale : Si l’auteur de la rupture utilise les informations obtenues durant les pourparlers pour concurrencer la victime, cela peut donner lieu à une indemnisation pour concurrence déloyale (Cass. com., 3 oct. 1978).

Attention : la réparation du préjudice qui résulte de la rupture des pourparlers ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d’obtenir ces avantages (art.1112 al.2 Code civil et jurisprudence constante). La victime ne pourra donc pas réclamer le montant qu’elle aurait obtenu si le contrat avait été conclu.

La réparation du préjudice de la victime se limite à l’atteinte à son image, aux éventuels agissements déloyaux du partenaire et aux frais inutilement exposés (Cass. com., 7 janv. 1997, n°94-21.561 et Cass. com., 22 avr. 1997, n°94-18.953).

Toutefois, une perte de chance de conclure avec un tiers peut être réparée si la victime prouve qu’elle aurait pu contracter avec un autre partenaire en l’absence de la rupture fautive.

Le partage de responsabilité

Les tribunaux peuvent répartir la responsabilité entre l’auteur de la rupture et la victime imprudente. Cette approche reconnaît que les deux parties peuvent avoir contribué à l’échec des négociations.

+ Pro : En principe, seule la partie qui prend la décision de rompre commet une faute. Toutefois, il serait également possible d’imaginer qu’une partie émettant des exigences délibérément infondées en cours de négociation, soit reconnue comme fautive. En effet, en adoptant un comportement contraire à la bonne foi et en poussant à la fin des négociations, cette partie pourrait être tenue responsable.

Conclusion

La rupture brutale des pourparlers soulève des questions complexes de responsabilité délictuelle. La jurisprudence et la doctrine offrent des critères clairs pour évaluer la faute et les préjudices réparable, tout en respectant la liberté contractuelle des parties. Une analyse rigoureuse des circonstances de chaque cas s’impose pour déterminer la légitimité de la rupture et les réparations possibles.

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