La Cour de cassation s’est prononcée le 21 juin 2023 sur un litige opposant M. Y à la société Financière Wagram. Au cœur du débat se trouvait la question de l’application et de l’interprétation de l’article L. 227-15 du code de commerce, en lien avec les clauses statutaires régissant la cession d’actions. Par sa décision, la Cour de cassation précise le champ d’application de cet article. Elle considère que la nullité des cessions prévue par ce texte ne s’applique pas à la cession forcée des actions (exclusion) mais uniquement sur celle résultant d’un consentement libre de l’associé.
Par cet arrêt, la chambre commerciale valide la portée de la clause extrastatutaire de cession forcée, même en présence d’un mécanisme d’exclusion inscrit dans les statuts. Ce commentaire se propose d’analyser cette décision et ses implications dans juridiques droit des sociétés.
Faits
Dans le litige opposant M. Y à la société Financière Wagram, SPFPL, un « pacte entre associés et obligataires » avait été conclu en 2015 entre M. Y et d’autres parties. Ce pacte prévoyait que si l’une des parties ne respecte pas ses engagements, et à défaut de régularisation sa situation dans un délai de 30 jours, elle serait tenue, soit d’acheter l’ensemble des actions de l’autre partie, soit lui céder toutes ses actions.
La société Financière Wagram a reproché à M. Y de ne pas avoir respecté ses obligations découlant de ce pacte, l’obligeant ainsi à lui céder ses actions.
Procédure
La cour d’appel de Douai avait rendu un arrêt en décembre 2021. Suite à cet arrêt, les deux parties ont formé un pourvoi devant la Cour de cassation.
Question de droit
La question centrale est de savoir si l’article 14 C du pacte entre associés, qui permet la cession forcée des actions d’un associé en cas de non-respect de ses obligations, est nul en raison de sa contrariété avec l’article 2-9 des statuts de la société, qui prévoit des modalités d’exclusion d’un associé.
Décision
La Cour de Cassation considère que la cour d’appel a fait une mauvaise application de l’article L. 227-15 du code de commerce. En effet, l’article 2-9 des statuts, qui prévoit les conditions d’exclusion d’un associé, ne concerne pas directement la cession des actions de la société. Ainsi, cet article ne peut pas empêcher un associé de s’engager unilatéralement à vendre ses actions dans des conditions définies.
La Cour casse donc partiellement l’arrêt de la cour d’appel de Douai, estimant qu’il y a eu une violation de l’article L. 227-15 du code de commerce.
Analyse
Cet arrêt est particulièrement intéressant pour plusieurs raisons.
Premièrement, il rappelle l’importance du respect des engagements contractuels, notamment dans le cadre d’un pacte d’actionnaires. En effet, lorsque des parties conviennent d’un mécanisme de cession forcée des actions, celui-ci doit être respecté, sauf s’il est contraire aux dispositions légales ou statutaires.
Deuxièmement, la Cour rappelle que les clauses statutaires et les clauses contractuelles, même si elles peuvent se recouper, ne régissent pas nécessairement les mêmes objets et peuvent coexister sans être contradictoires.
Enfin, la Cour de Cassation se positionne fermement en faveur de la primauté des pactes d’associés lorsqu’ils ne contreviennent pas aux clauses statutaires ou à la loi. Il s’agit d’une décision importante pour les acteurs économiques, qui s’appuient régulièrement sur ces pactes pour définir les modalités de leur coopération.
En conclusion, cet arrêt réaffirme la validité et la force contraignante des pactes d’associés en présence d’éventuelles clauses statutaires. C’est une décision favorable à la sécurité juridique des relations contractuelles au sein des sociétés.
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