La confiance est essentielle au monde des affaires. C´est à travers elle que se nouent les contacts commerciaux, les accords et la garantie des échanges. Quand la confiance est perdue, le droit pénal s´en mêle parfois, notamment à travers l’abus de confiance. Qu’est-ce que l’abus de confiance ? Comment réagir en tant que victime ? Quelles sont les sanctions prévues par la loi ?
L´abus de confiance : de quoi s´agit-il ?
Commençons un exemple. Vous remettez une somme d’argent à une personne qui refuse de vous la rendre ou qui l´a utilisée à son profit. S´agit-il d´un abus de confiance ?
Selon l´article 314-1 du Code pénal, l´abus de confiance consiste en « le fait par une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé ».
Chaque mot est important.
Les critères de l’abus de confiance
Le point essentiel est une remise préalable volontaire du bien détourné au profit de l’auteur du détournement. Ainsi, la victime remet des fonds, des valeurs ou des biens à une personne qui sait parfaitement qu´elle doit les rendre, les représenter ou en faire un usage déterminé.
La victime doit se dessaisir du bien et le remettre à l’auteur de l’infraction.
Cette remise peut porter sur des biens mobiliers ou professionnels (marchandises par exemple) voire sur des biens digitaux. Attention : les immeubles ne sont pas concernés.
Ensuite, il faut retenir que la chose est remise à titre précaire. Il ne s´agit donc pas d´un vol ou d´une escroquerie puisque l´auteur de l´infraction est autorisé à être en possession du bien même s´il doit la rendre plus tard.
Ainsi, il n’y aura pas d’abus de confiance si la chose a été remise en pleine propriété par un contrat de prestation de service (Cass. Crim. 5 avr. 2018, n° 17-81.085).
Enfin, pour que cette possession se transforme en délit d´abus de confiance, l’auteur doit intentionnellement adopter à l´égard du bien une attitude incompatible avec son engagement de restitution. C´est le cas par exemple d´un locataire d´une machine qui la vend à un tiers au lieu de la restituer en fin de contrat. En vendant cette machine, il entend se comporter comme s´il en était le légitime propriétaire.
Il est important de garder à l´esprit que l´abus de confiance n´impose pas un transfert à un tiers. Il existe dès qu´il y a non-restitution ou usage abusif du bien confié et ce de manière intentionnelle.
Exemples d’abus de confiance
Vous confiez à un travailleur des chèques qu´il est autorisé à signer pour payer des fournisseurs, mais il les utilise pour payer d´autres personnes. Il s´agit bien d´un abus de confiance. C´est également le cas lorsqu´un commerçant ayant conclu un accord avec un commercial externe ne verse pas à ce dernier les commissions convenues payées par le client.
A contrario, vous confiez un fichier client à un collaborateur externe pour qu´il le mette à jour. Si par accident il efface les données, il n´y a pas abus de confiance car ce n´était pas intentionnel.
Enfin, votre salarié utilise du matériel de votre société et utilise son temps de travail à son propre profit. Est-ce un abus de confiance ? Oui, la cour de cassation a considéré que « l’utilisation, par un salarié, de son temps de travail à des fins autres que celles pour lesquelles il perçoit une rémunération constitue un abus de confiance ». (Cour de cassation – Chambre criminelle 19 juin 2013 / n° 12-83.031).
Comment réagir quand on est victime d´abus de confiance ?
Le dépôt de plainte est de mise, que ce soit directement auprès du Procureur de la république ou auprès d´un service de police (gendarmerie) qui est tenu d’enregistrer la plainte.
La prescription est à garder à l´esprit. Dans le cas de l’abus de confiance, elle est de six ans. Cela signifie que la victime dispose de 6 ans à partir de la constatation de l´infraction pour déposer plainte . Attention : ce délai ne se compte pas à partir de la remise du bien, mais à partir du moment où la victime découvre que l’auteur l´a vendu ou l´a détruit intentionnellement.
Il est à noter que, sauf exceptions, il n´y a pas d´abus de confiance entre ascendant et descendant, ou encore entre époux (articles 311-12 et 314-4 du Code pénal). On parle d´immunité familiale qui fait que la justice pénale ne peut rien faire. Toutefois, cette immunité familiale ne s’applique pas dans certains cas (objets ou documents indispensables à la vie quotidienne de la victime ou tuteur…).
Attention : pour obtenir indemnisation dans le cas d´une procédure pénale, la victime doit se constituer partie civile.
Quelles sont les sanctions prévues en cas d’abus de confiance ?
Le code pénal prévoit des peines lourdes lorsqu´il s´agit de sanctionner l´abus de confiance.
L´auteur de ce délit est susceptible d´être condamné à 5 ans de prison et 375 000 euros d’amende, sans compter l´indemnisation de la victime. Lorsque la victime est une association humanitaire ou sociale, ces peines peuvent monter jusqu´à 7 ans d´emprisonnement et 750 000 euros d´amende.
Les peines prévues sont les mêmes quand la victime est de particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur.
Quand l´auteur est mandataire de justice ou par un officier public ou ministériel soit dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, soit en raison de sa qualité, les peines maximales prévues atteignent dix ans de prison et 1 500 000 euros d’amende.
A noter : ces peines sont celles applicables aux personnes physiques. Cependant, l´abus de confiance pourrait être commis par une personne morale. Il ne peut être question d´emprisonne une personne morale. Voilà pourquoi l´article 131-38 du Code pénal prévoit pour la personne morale coupable d´un abus de confiance simple une amende `pouvant aller jusqu´à 1 875 000 euros.
Des peines complémentaires sont également prévues à l´encontre des personnes morales comme la dissolution, le placement sous surveillance judiciaire, la fermeture des établissements ou encore l’exclusion des marchés publics.
Dans tous les cas, le cabinet saura vous accompagner si vous êtes victime d’abus de confiance ou en cas d’accusation.