Lorsqu’une maison se construit sur une parcelle d’un lotissement, il faut se rappeler que l’heureux propriétaire est tenu de respecter les règles du lotissement comprises dans trois documents : les statuts du lotissement, le cahier des charges, et le règlement.
En principe, les propriétaires de lots sont en droit d’exiger une sanction en cas de de violation du cahier des charges et notamment la démolition d’une construction irrégulière.
Ces bases rappelées, venons-en au litige examiné par les magistrats de la Cour de cassation. Deux acheteurs de lots situés dans un lotissement déposèrent des demandes de permis de construire pour édifier deux immeubles de plusieurs appartements chacun avec piscine. Le voisin mécontent alla en justice en invoquant la violation du cahier des charges du lotissement et en réclamant la démolition des ouvrages construits.
Jusqu´à présent, la jurisprudence était constante et penchait pour la remise en état et la destruction du bâtiment litigieux.
Pourtant, la Cour de cassation vient de donner un coup de pied dans la matière avec un arrêt du 13 juillet 2022 (Cass., 3ème, 13 juillet 2022, Pourvoi n° 21-16407).
Quelle est la valeur du cahier des charges ?
Le cahier des charges est un document contractuel d’ordre privé que le lotisseur rédige. On y trouve les droits et les obligations des propriétaires des différents lots. Ces règles contractuelles ont donc une force juridique entre propriétaires de lots sans limite dans le temps.
Un voisin se prétendant lésé par une extension ou une construction de la part d’un autre propriétaire de lot est donc en mesure d’agir sur cette base contractuelle.
La sanction en cas de violation du cahier des charges : du changement
La question n’est donc pas de savoir s’il y a responsabilité contractuelle. Il s´agit de définir la sanction applicable.
En principe, le cahier des charges du lotissement constitue le titre commun des parties. En cas d’infraction, un propriétaire du lotissement peut demander à le faire respecter en exigeant la destruction de ce qui a été réalisé de manière irrégulière ( Cass. 3ème civ., 29 sept. 2016, n°15-22.414).
Ainsi, le juge pourra ordonner l’interruption des travaux et la démolition de la partie de construction déjà édifiée en violation du cahier des charges (Cass. 3ème civ., 26 oct. 2017, n°16-13.540).
Cette sanction pouvait apparaître sévère, d’autant que le demandeur n’avait à justifier d’aucun préjudice.
Par l’arrêt du 13 juillet 2022, la Cour de cassation vient modérer la sanction. Désormais la destruction n´est plus automatique.
Selon la Cour de cassation, l’immeuble n’était pas construit dans le carré de 30 mètres sur 30 imposé par le cahier des charges qui, toutefois, n´interdisait pas les immeubles à appartements.
Le voisin souffrait juste d´un désagrément visuel. C´est sur cette constatation que la Cour de cassation a estimé que demander la démolition d’un immeuble d’appartements était disproportionné face au désagrément de ce voisinage pour le demandeur, même si toutes les règles du lotissement n’avaient pas été respectées.
C´est donc la notion de disproportion manifeste entre le coût de la démolition pour le débiteur et son intérêt pour le créancier, qui prime. Dès lors, la destruction n´est plus automatique. La sanction de la violation du cahier des charges peut consister en des dommages et intérêts.
Ce changement de jurisprudence entraîne des conséquences pratiques importantes.
Attention : cela ne signifie pas que la destruction est désormais impossible. Cela veut simplement dire que pour autoriser celle-ci, il faut tenir compte du préjudice subi par le voisin et du coût de la démolition. En tout état de cause, se pose la question du futur de la valeur juridique du cahier des charges.