Nous nous intéressons ici à une situation classique : une société s’étant portée caution pour un prêt se voit réclamer le paiement par la banque car le débiteur principal ne paie pas. Si nous nous intéressons à cette affaire, c’est que l’issue juridique consacrée par la Cour de cassation apporte des précisions sur la notion des exceptions au paiement de la dette invoquées par la caution.
Décision du 6 juillet 2022 de la Cour de cassation, Com. Pourvoi n° 20-20.085.
Les exceptions au paiement de la dette par la caution
En principe, il est de règle que lorsqu’une partie à un contrat ne respecte pas son obligation, l’autre peut lui opposer une exception d’inexécution, c’est-à-dire suspendre ses propres engagements. C´est la situation très classique d´un vendeur qui ne livre pas, ce qui entraîne la réaction de l’acheteur de refuser de payer le prix convenu.
Là où les choses se compliquent, c’est lorsque la dette est réclamée à une tierce personne, par exemple une caution. Celle-ci peut-elle invoquer que la dette a été payée par le débiteur principal ? La réponse est oui. Peut-elle invoquer que le débiteur principal ne peut être poursuivi pour incapacité ? La réponse est non.
On en est à la distinction entre les exceptions liées à la dette et celles personnelles au débiteur. En principe, les exceptions inhérentes à la dette sont celles qui touchent à l’existence même de la dette, la validité, l’étendue de la dette (article 1216-2 du Code civil) : prescription, nullité, paiement, compensation, résolution…
D´un autre côté, nous avons les exceptions personnelles au débiteur. Elles concernent les possibilités d´agir contre le débiteur défaillant (incapacité, suspension des poursuites à la suite d’une procédure collective…)
L´ancien texte (article 2313 du Code civil) prévoyait que : « la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette, mais elle ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur ». La qualification d’exception inhérente à la dette ou personnelle, constitue donc un enjeu de taille.
La caution et la procédure préalable de conciliation préalable vis-à-vis du débiteur principal
Dans les faits soumis à la Cour de cassation, une société, caution d´un prêt, se voit assignée en paiement par la banque. Elle ne veut pas payer et invoque l’irrecevabilité de la demande pour non-respect de la procédure préalable de conciliation prévue par le contrat de prêt.
La Cour d’appel avait estimé que la banque était autorisée à réclamer paiement à la caution. Celle-ci ne l’entend pas ainsi, elle se pourvoit en cassation en soutenant que le non-respect de l´obligation d’une conciliation préalable constitue une exception inhérente à la dette, puisque cette obligation n’est en rien liée à la personne du débiteur. À son sens, cela concerne la dette principale. Plus exactement les modalités de poursuivre son exécution. La caution en tire comme conclusion que le non-respect de la conciliation obligatoire l’autorise à ne pas payer.
La décision de la Cour de cassation
Dans son arrêt du 6 juillet 2022 (Com. 6 juill. 2022, n° 20-20.085 P), la Cour de cassation va anéantir les prétentions de la caution en décidant que la mise en œuvre d’une clause de conciliation n’affecte que les modalités d’exercice de l’action du créancier et cette exception est purement personnelle au débiteur et non liée à la dette en elle-même.
Cette solution paraît logique et conforme à une décision antérieure de la même juridiction (Com., 13 oct. 2015, n° 14-19.734). Dès lors, nous ne pouvons que prendre acte de la position de la Cour de cassation : la fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en œuvre d’une procédure de conciliation contractuellement prévue ne concernant que les modalités d’exercice de l’action du créancier contre le débiteur principal et non la dette de remboursement elle-même, elle ne constitue pas une exception inhérente à la dette que la caution peut opposer au créancier.
Il est donc constant que la clause de conciliation constitue une exception personnelle à la dette. Toutefois, cette caractéristique n’aura néanmoins plus d’impact sur les contrats conclus à partir du 1er janvier 2022.
En effet, fruit de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, l’article 2298 du code civil prévoit que : « la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions, personnelles ou inhérentes à la dette, qui appartiennent au débiteur, sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l’article 2293 ».
Ainsi, la caution pourra opposer au créancier toutes les exceptions quelles soient personnelles ou inhérentes à la dette.
Dès lors, un traitement juridique différent risque d’apparaître concernant la possibilité d’invoquer des exceptions à la dette par la caution, et cela en fonction de la date de conclusion du contrat, avant ou après le 1er janvier 2022.
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