Dans le conflit du paiement des loyers pendant l’épidémie de la Covid-19 : la Cour de cassation a tranché en faveur des bailleurs !
Il est inutile de rappeler la vague de fermeture de commerces pendant la crise sanitaire liée à la Covid-19. Beaucoup de locataires commerciaux avaient suspendu le paiement des loyers. De fil en aiguille, la question s’est retrouvée entre les murs de la Cour de cassation. Nous allons vous expliquer pourquoi et comment la Cour a donné raison aux bailleurs.
Les restrictions du gouvernement face au droit civil
Face à la Covid-19, le gouvernement a mis en place des dispositions sanitaires. Parmi celles-ci, figurait l´interdiction pour les établissements commerciaux non-essentiels de recevoir du public afin de garantir la santé publique (article 4 de la loi nº 2020-290 du 23 mars 2020). Cela a concerné de nombreux commerces : bars, restaurants, boutiques, cinémas, …
Face à ces mesures, de nombreux locataires liés par des baux commerciaux ont arrêté de payer leur loyer et les charges. Leur raisonnement était simple : les mesures sanitaires les dispensaient de ce paiement.
Les bailleurs ne s’en sont pas laissé conter et ont réclamé en justice les loyers impayés, inondant les juridictions de première instance et d’appel. En toute logique, la Cour de cassation a été saisie et s’est prononcée le 30 juin 2022 par plusieurs arrêts (Cass. Civ ; 30 juin 2022, n°21-20-190 ; Civ. 3è, 30 juin 2022, FS-B, n° 21-20.127 ; Civ. 3è, 30 juin 2022, FS-D, n° 21-19.889).
Les restrictions sanitaires imposées par les pouvoirs publics aux commerces non- essentiels ne justifient pas la suspension du paiement des loyers.
C´est de manière très claire que la Cour de cassation a estimé que les locataires n’étaient pas autorisés à arrêter le paiement des loyers en raison des mesures prises par les autorités publiques afin de lutter contre la propagation de la Covid-19.
En effet, la Cour de cassation a décidé que les locataires ne pouvaient s’exonéré du paiement du loyer. Pour la Cour, les locataires de baux commerciaux ne peuvent invoquer ni la perte de la chose louée (article 1722 du code civil), ni le manquement à l’obligation de délivrance du bailleur article 1719 du code civil), ni la force majeure (article 1218 du code civil), ni même la bonne foi lorsque le bailleur a proposé des solutions et facilités de paiement (article 1104 du code civil).
La perte de la chose louée
Le texte de l´article 1722 du code civil prévoit que « si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement ».
La question était donc de savoir si cet article s’appliquait s’agissant de mesures gouvernementales de fermeture administrative de commerces non-essentiels.
La réponse de la cour est limpide : « L’effet de cette mesure générale et temporaire, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut donc être assimilé à la perte de la chose, au sens de l’article 1722 du code civil ».
La Cour a estimé que l’impossibilité d’exploiter se justifiait par le type d´activité exercée et non par le local, soit la chose louée. De plus, la Cour retient que les fermetures étaient temporaires, ce qui ne correspond pas avec la définition de la perte de la chose louée.
L’obligation de délivrance du bailleur
Selon l’article 1719 du code civil, « le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière :
1° De délivrer au preneur la chose louée et, s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d’habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l’expulsion de l’occupant ;
2° D’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ;
3° D’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;
4° D’assurer également la permanence et la qualité des plantations ».
Face à ce texte invoqué par les locataires, la Cour de cassation estime que l’impossibilité d’exploiter les locaux loués venait uniquement des autorités et non d’un quelconque fait du bailleur. Rien ne pouvait donc être reproché au bailleur quant à son obligation de délivrance, d’autant que le locataire avait toujours accès au local.
La force majeure
Les locataires tiraient également argument de l’article 1218 du Code civil aux termes duquel « il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.
Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1 »
Face aux locataires qui considéraient l’état d’urgence sanitaire comme un fait de force majeure, la Cour de cassation estime que la force majeure ne peut être invoquée pour le paiement des loyers dans la mesure où le locataire ne justifie pas du caractère insurmontable de la situation.
La bonne foi
Le dernier argument des locataires se fondaient sur l’article 1104 du code civil qui pose comme principe d’ordre public que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
La Cour de cassation prend à cet égard une position d´ouverture. En effet, elle retient que, dans l’affaire qui lui avait été soumise, le bailleur avait proposé de reporter le paiement des loyers eu égard aux circonstances exceptionnelles.
Ce que nous devons retenir des longues considérations de la Cour de cassation, c’est qu’une négociation entre bailleur et locataire doit être privilégié.
Conclusion
On ne voit pas pourquoi les bailleurs devraient souffrir des mesures d’interdictions prises à l’égard de leur locataire. En effet, les bailleurs n’ont commis aucune faute contractuelle et n’ont dès lors pas à être privé de leur loyer. Les décisions sur ce point de la Cour de cassation se justifient.
En outre, l’épidémie et les mesures d’interdictions, relèvent d’avantage d’un aléa et donc d’un risque prévu par un contrat d’assurance. Il semble donc important de rappeler que face à cet événement, la prise en charge des loyers impayés devraient revenir à l’assureur. Ce fût l’objet d’un autre débat devant les tribunaux.
Le cabinet Exprime avocat vous assiste et vous accompagne en cas de loyers impayés ou de contentieux sur la résiliation du bail commercial.
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