La théorie générale des contrats est régulièrement au cœur des débats judiciaires. La notion de l’erreur comme vice du consentement a toujours fait l’objet d’un contentieux important et reste en constante évolution au grès des solutions jurisprudentielles.
Nous avons repéré un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation rendu le 22 juin 2022, qui s’intéresse au motif fiscal poursuivi par les acheteurs d’un bien. Nous vous expliquons son importance.
Un procès un peu bateau
Commençons par les faits qui ont mené les parties jusqu’à la Cour de cassation. Des contribuables avaient acquis des parts d´un navire. Leur objectif était de réaliser une économie d´impôts. L’administration fiscale leur refusa l’avantage fiscal escompté car le navire ne remplissait pas les conditions fiscales légales.
Après avoir vainement demandé en justice l’annulation de la vente pour réticence dolosive, les acheteurs invoquaient l’erreur sur la substance de la chose vendue.
Le motif extérieur au contrat
Pour être clair, nous devons préciser que les faits datent de 1996, la législation applicable était celle antérieure à la réforme du droit des obligations de 2016.
Avant cette réforme, la jurisprudence de la Cour de cassation prévoyait qu’un motif extérieur à l’objet du contrat ne pouvait justifier la nullité de la convention que s’il était expressément entré dans le champ contractuel. (Civ. 1re, 13 févr. 2001, n° 98‑15.092).
Cette jurisprudence pouvait sembler contestable. En effet, certains vendeurs n’hésitaient pas à convaincre leur client avec des avantages fiscaux parfois absents. Il suffisait de ne rien mentionner dans le contrat au sujet d´une économie d´impôts. Dès lors, le contrat ne pouvait pas être annulé. (Cass. 1er civ., 13 févr. 2001, n°98-15.092) et (Cass. 3e civ., 24 avr. 2003, n°01-17.458).
Cette situation se retrouvait fréquemment dans les ventes immobilières. L’acheteur à la recherche d’un bien défiscalisable en était pour ses frais.
L´arrêt de la Cour de cassation du 22 juin 2022 (Com., 22 juin 2002, 20-11.846), vient apporter une solution contraire s’agissant de l’avantage fiscal lors de la vente d’un navire.
Une évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation
Pour rappel, l’erreur est une cause qui vicie le consentement. Elle doit porter sur un élément essentiel et déterminante de la volonté de s’engager (Cass. 3è civ., 30 nov. 2010, n°09-14.802).
En principe, « l’erreur sur un simple motif, étranger aux qualités essentielles de la prestation due ou du cocontractant, n’est pas une cause de nullité, à moins que les parties n’en aient fait expressément un élément déterminant de leur consentement » (art.1135 C. civil).
L’erreur sur les motifs correspond aux mobiles qui ont conduit la personne à conclure le contrat. Les motifs de la conclusion d’un contrat relèvent des raisons personnelles d’une personne et ne peuvent donc être pris en compte en cas d’erreur.
Toutefois, il en ait autrement si le cocontractant connaît le motif de l’engagement de son partenaire par une clause expresse (Cass. com., 11 avr. 2012, n°11-15.429).
La jurisprudence a toujours refusait de reconnaitre ce motif en l’absence de clause expresse « l’absence de satisfaction du motif considéré savoir la recherche d’avantages d’ordre fiscal alors même que ce motif était connu de l’autre partie, ne pouvait entraîner l’annulation du contrat faute d’une stipulation expresse qui aurait fait entrer ce motif dans le champ contractuel en l’érigeant en condition de ce contrat » (Cass. 1er civ., 13 févr. 2001, n°98-15.092).
Ainsi, l’absence d’avantages fiscaux à la suite de l’acquisition d’un immeuble ne pouvait conduire à l’annulation de la vente quand bien même le vendeur connaissait ce motif, à défaut de clause expresse (Cass. 3e civ., 14 déc. 2017, n°16-24.096 et voir également 16-24.108).
Or, le présent arrêt vient renverser la jurisprudence établie depuis 2001.
En effet, les juges ont considéré que : « Les parties peuvent convenir, expressément ou tacitement, que le fait que le bien, objet d’une vente, remplisse les conditions d’éligibilité à un dispositif de défiscalisation constitue une qualité substantielle de ce bien. »
Dès lors, l’avantage fiscal pourra constituer une qualité substantielle du bien susceptible de conduire à l’erreur, que celui-ci ait été prévu par une clause expresse ou de manière tacite.
Ainsi, il sera plus aisé d´obtenir l’annulation du contrat. L’acquéreur n’aura qu’à prouver, tous documents à l´appui, qu’il cherchait à obtenir un avantage fiscal, bien connu du vendeur. Il lui suffira de démontrer ensuite que cette économie fiscale était une illusion.
Toutefois, il est à rappeler que les faits de l’espèce étaient soumis au droit antérieur à la réforme du droit des contrats. Dès lors, cette solution semble difficilement applicable sur les contrats conclus postérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance de 2016, compte tenu du nouvel article 1135 du code civil.
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