La location-gérance est un contrat par lequel un propriétaire ou exploitant d’un fonds de commerce ou artisanal, en concède la location à une tierce personne qui assume tous les risques liés à cette exploitation. La personne à laquelle le propriétaire confie l’exploitation est appelée le locataire-gérant. Celui-ci exploitera le fonds à ses risques et périls et ce, pendant toute la durée du contrat (en prenant toutes les décisions de gestion le concernant) puisque ce dernier emporte l’interdiction pour le propriétaire du fonds de s’immiscer dans sa gestion. Ce dernier doit se contenter de percevoir des loyers.
Les conditions de formation et les effets qui en découlent de ce contrat sont précisés aux articles L.144-1 et suivants du code de commerce.
Les conditions essentielles du contrat de location-gérance
Le contrat de location-gérance n’impose aucun formalisme particulier, il peut être écrit ou oral. Toutefois, en pratique, le contrat est souvent écrit et facilité ainsi la charge de la preuve. Le contrat nécessite plusieurs conditions de validité de fond, sous peine de nullité de l’acte (art.144-10 C.com).
L’existence d’un fonds de commerce ou artisanal
Le contrat de location-gérance nécessite l’existence d’un fonds de commerce ou artisanal déjà exploité. Cela signifie que le fonds doit réellement exister au moment de la conclusion du contrat. Ainsi, il doit être pourvu d’une clientèle actuelle. Un fonds non exploité (dont l’exploitation aurait cessé) ne peut faire l’objet d’une location-gérance. Il en est de même d’un fonds dont l’exploitation n’aurait pas encore débuté, à moins que la clientèle soit d’ores et déjà réelle et actuelle.
Les conditions propres au loueur
Le loueur s’entend de la personne physique ou morale propriétaire du fonds. Autrefois, pour pouvoir mettre le fonds ou l’établissement en gérance, le loueur devait l’avoir exploité pendant deux ans au moins. La loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des sociétés a supprimé cette condition.
S’agissant des époux mariés sous le régime de la communauté légale, chacun pourra librement consentir la location-gérance du fonds qui lui est propre (C. civ., art. 1426). En effet, chacun peut agir séparément pour accomplir les actes d’administration et de disposition nécessaires à l’exercice d’une profession séparée (art. 1421, al. 2). Toutefois, le loueur est tenu de requérir le consentement exprès de son conjoint lorsque ce dernier participe à l’exploitation du fonds (art.L.121-5 C.com).
Les conditions relatives au locataire-gérant
Conformément à l’article L. 144-2 du Code de commerce, le locataire-gérant « a la qualité de commerçant » et « soumis à toutes les obligations qui en découlent ». En conséquence, il doit avoir la capacité commerciale et ne pas être frappé d’interdiction. De plus, en tant que commerçant, le locataire-gérant est tenu de s’immatriculer comme tel au registre du commerce et des sociétés (C. com., art. R. 123-38, 8°). La mention de la location-gérance doit également être portée sur l’avis publié au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales. En outre, tous les papiers d’affaires du locataire-gérant doivent aussi indiquer sa qualité (C. com., art. R. 123-237). Si le contrat porte sur un fonds artisanal, l’immatriculation du locataire-gérant doit se faire au répertoire des métiers.
Mesures de publication
Dans la quinzaine de sa conclusion (R. 144-1 C.com), le contrat doit être publié sous forme d’extraits ou d’avis dans un journal habilité à recevoir les annonces légales. La fin de la location-gérance donne lieu aux mêmes mesures de publicité. Chacune des parties peut procéder à cette publicité.
En cas d’absence de cette formalité, le contrat est néanmoins valable (Cass. com., 5 mars 1969, n°67-11.851). Toutefois, en pratique le loueur procède rapidement à cette publicité puisqu’elle fait courir le délai d’expiration à partir duquel il ne garantira plus les dettes du gérant (art. L. 144-7 C.com). Le retard dans l’accomplissement de ces formalités est donc susceptible d’avoir des conséquences financières non négligeables pour les parties.
Enfin, il à préciser que des mesures particulières de publicité sont prévues pour les entreprises de transports publics et de location de véhicules industriels (C. com., art. D. 144-2 s.).
Les effets du contrat de location-gérance
Les obligations du contrat entre les parties
Obligation du loueur : L’obligation du loueur consiste à fournir au gérant la jouissance paisible du fonds. Comme tout bailleur, il doit donc délivrer et entretenir la chose louée (C. civ. art. 1719). Le contrat de location-gérance peut mettre à la charge du locataire-gérant les impôts et charges pesant sur le fonds, si une clause expresse du contrat le prévoit (Cass. com., 9 déc. 2008, n°06-14.414).
Obligation du locataire : Le locataire doit « user de la chose louée en bon père de famille, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail » (C. civ. art. 1728). L’usage convenable du fonds implique en principe qu’il n’y ait ni interruption de l’exploitation ou abandon d’une partie de l’exploitation (Cass. com., 6 mai 2002, n°00-11.569).
En principe, l’exécution du contrat donne lieu au paiement d’un loyer que la pratique appelle redevance. Selon la jurisprudence, elle constitue une condition essentielle du contrat. Elle peut être révisée en fonction d’une clause d’échelle mobile (L. 144-11 et L. 144-12 C. com).
Enfin, le locataire ne peut pas sous-louer sans l’accord du propriétaire ni céder ou nantir le fonds dont il assure la gérance.
Les effets du contrat à l’égard des tiers
A l’égard des tiers, deux principes essentiels visent à protéger les créanciers du fonds.
Tout d’abord, les créanciers du loueur de fonds sont protégés. En effet, compte tenu du risque de la dépréciation du fonds de commerce par le changement de gérant, l’article L.144-6 du code de commerce prévoit que : « les dettes du loueur du fonds afférentes à l’exploitation du fonds peuvent être déclarées immédiatement exigibles par le tribunal de commerce de la situation du fonds, s’il estime que la location-gérance met en péril leur recouvrement ». Cette demande doit intervenir dans le délai de trois mois à compter de la publication du contrat.
Ensuite, le loueur est solidaire des dettes contractées par le locataire à l’occasion de l’exploitation du fonds jusqu’à la publication du contrat (C. com., art. L. 144-7 et R.144-1 C.com). Cette solidarité avait une durée de 6 mois avant l’entrée en vigueur de la loi Sapin qui l’a supprimée. Dès lors, comme expliqué précédemment, le loueur a encore plus d’intérêt à faire les formalités de publication de l’acte de location-gérance.
Pour rappel, les créanciers impayés du propriétaire du fonds ne peuvent pas demander paiement au locataire.
Les effets à l’expiration du contrat
Le contrat prend fin à l’expiration du terme. Le contrat pourra également être résilier judiciairement ou par l’application d’une clause résolutoire. A la fin du contrat, locataire-gérant ne bénéficie d’aucun droit. Dès lors, ce dernier ne peut prétendre à une indemnité d’éviction ou de droit au renouvellement.
Une clause de non-concurrence est souvent incluse dans le contrat de location-gérance, empêchant le locataire d’exercer la même activité pendant un certain temps. A défaut de clause de non-concurrence, le locataire pourra exploiter un fonds identique, sous réserve d’acte de concurrence déloyale.
Enfin, l’expiration du contrat entraine immédiatement l’exigibilité des dettes afférentes à l’exploitation du fonds, contractées par le locataire-gérant pendant la durée de la gérance (C. com., art. L. 144-9).