Les actions de préférence sont une catégorie d’actions offrant à leurs titulaires des droits différents de ceux attachés aux actions ordinaires. Ce type d’action permet d’accorder des avantages financiers et politiques aux associés ou au contraire de restreindre leurs droits, voire d’imposer des contreparties.
Les actions de préférence peuvent être émises lors de la constitution de la société ou en cours d’exercice. Les droits attachés à ces actions peuvent être limitées dans leur durée.
Les actions de préférence sont régies par les articles L.228-11 à L.228-19 du code de commerce qui relèvent du chapitre sur « les valeurs mobilières émises par les sociétés par actions ». Dès lors, celles-ci ne peuvent s’appliquer que pour les SA, SAS ou encore les sociétés en commandite par action.
Sur les avantages particuliers
Conformément à l’article L. 228-11 al. 1er du code de commerce : « Lors de la constitution de la société ou au cours de son existence, il peut être créé des actions de préférence, avec ou sans droit de vote, assorties de droits particuliers de toute nature, à titre temporaire ou permanent. Ces droits sont définis par les statuts et, pour les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation, dans le respect des articles L. 225-122 à L. 225-125. »
Les statuts peuvent donc prévoir une catégorie d’action, désignée catégorie A par exemple, en opposition à la catégorie O (ordinaire), qui attribue un droit de vote assortie d’avantages particuliers.
Les possibilités du droit de vote :
Il est possible d’émettre des actions de préférence à droit de vote double ou à vote multiple. Un associé avec très peu d’actions pourra dès lors être titulaire d’un pouvoir de vote important si ses actions possèdent un droit de vote multiple, et inversement. Cela permet ainsi une dissociation totale entre le capital social et les droits politiques des associés.
Depuis la loi PACTE du 22 mai 2019 cette faculté est offerte aux sociétés de capitaux dont les actions ne sont pas cotées sur un marché réglementé ou négocié. Le cas échéant, les sociétés devront respecter les dispositions de L’article L.225-123 à L.225-125 du code de commerce, ce qui réduit sensiblement la liberté d’aménager le droit de vote.
En outre, conformément à l’alinéa 2 de l’article L.228-11, le droit de vote peut être aménagé pour un délai déterminé ou déterminable. Il peut être suspendu ou supprimé. Il est donc possible de créer des actions sans droits de vote ou encore de limiter le droit de vote à certaines décisions et/ou assemblées. Les statuts peuvent également prévoir de limiter la durée des avantages attachés aux actions de préférence et décider du sort réservé à ces actions à l’issue du délai.
Une restriction est néanmoins apportée sur les actions de préférence supprimant le droit de vote. Celles-ci ne doivent pas représenter plus de la moitié du capital social ou le quart dans les sociétés cotées (al.3. art. L 228-11 C.com).
Les droits pécuniaires :
L’action de préférence peut également prévoir un dividende prioritaire, assortie d’une condition, variable ou encore plafonné. Les options sont à la hauteur de l’imagination de leurs auteurs. Certains associés pourront donc bénéficier d’un dividende supérieur ou un dividende moindre que les autres associés. Ce dividende pourra dépendre de différent facteurs (CA, résultat…).
Il faudra veiller au respect de la prohibition des clauses léonine (art. L 1844-1 C. civ) ou à certaines dispositions impératives. Ce sera notamment le cas de l’interdiction du versement de dividende en l’absence de distribution (art. L.232-12) ou encore la stipulation d’un intérêt fixe pour les associés (art. L. 232-156 C.com).
Autres prérogatives :
Il est possible de prévoir un droit d’information accru sur les comptes de la société. Ce droit d’information sera notamment important dans la SAS dans laquelle les associés ont un droit d’information réduit. Il sera également intéressant de permettre aux associés détenant des actions de préférence de demander un audit, à la charge de la société ou encore, par exemple, d’imposer leur présence pour la prise de décisions du conseil d’administration.
A contrario, la mise en place d’obligation doit également être envisagé. Ainsi, il serait possible de mettre à la charge du titulaire certaines contreparties. Par exemple, l’inaliénabilité des actions de préférence ou encore la mise à disposition d’une somme en compte courant pendant une durée déterminée.
Enfin, les actions de préférence peuvent également prévoir d’attribuer des pouvoirs particuliers dans une société contrôlée par la société ayant émise les actions de préférence ou dans celle que la société émettrice contrôle (art. L 228-13 C.com). Ces actions de préférences dans un groupe de société et les prérogatives attribuées à ces associés nécessitent d’être étudiés avec attention.
La mise en œuvre des actions de préférence
La procédure de mise en œuvre des actions
La création d’actions de préférence peut se produire lors de la constitution de la société ou au cours de son existence. Les actions doivent être prévues par les statuts.
En principe, l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires est seule compétente pour décider l’émission des actions de préférence au vu d’un rapport spécial des commissaires aux comptes. Elle peut déléguer ce pouvoir au conseil d’administration ou directoire (art. L. 228-12 C.com).
Les bénéficiaires des actions de préférence à émettre ne prennent pas part au vote de l’assemblée et leurs titres ne sont pas pris en compte pour le calcul de la majorité et du quorum (C. com., art. L. 225-10 ; L.225-96 C.com).
De plus, la procédure d’approbation des avantages particuliers doit être respectée (art. L. 225-14 C.com renvoi par l’article L.228-11 al.1). C’est une procédure qui impose l’intervention d’un commissaire aux apports. Celle-ci sera nécessaire si les actions sont émises au profit d’un ou de plusieurs actionnaires nommément désignés, sauf si l’émission porte sur des actions de préférences relevant d’une catégorie déjà créée (art. L.228-15 C.com).
Enfin, il est à préciser que la loi Soilihi du 19 juillet 2019 est venue supprimer, pour les SAS, l’obligation d’évaluer les avantages particuliers au moment de la constitution de la société.
Les modalités de mise en œuvre des actions
La création d’actions de préférence se fait par l’émission de ces actions lors de la constitution de la société ou lors d’une augmentation de capital. Celle-ci peut également se produire par une distribution de dividende. En effet, l’article L. 228-18 prévoit que : « le dividende distribué, le cas échéant, aux titulaires d’actions de préférence peut être accordé en titres de capital, selon les modalités fixées par l’assemblée générale extraordinaire ou les statuts ».
Les actions de préférence peuvent également être converties en actions ordinaires ou en nouvelle actions de préférence (Voir avantages par rapport BSA). Elles peuvent aussi être rachetées par la société (art. L. 228-12 II suivants C.com) ou encore être annulées (art.L.228-12 al. 3 C.com).
Enfin, en cas de fusion ou de scission, les actions de préférence peuvent être échangées contre des actions des sociétés bénéficiaires du transfert de patrimoine comportant des droits particuliers équivalents, ou selon une parité d’échange spécifique tenant compte des droits particuliers abandonnés » (art. L.228-17 C.com).
Protection des titulaires des actions de préférence
Certaines dispositions particulières viennent protéger les titulaires des actions de préférence. Il en est ainsi de l’article L.225-99 qui prévoit que la modification de leurs droits se décide par une assemblée spéciale des actionnaires de cette catégorie. De même, l’article L.228-19 prévoit la possibilité de mandater l’un des commissaires aux comptes de la société afin qu’il établisse un rapport spécial sur le respect par la société des droits particuliers attachés aux actions de préférence.
La suppression du DPS (droit préférentiel de souscription).
En principe, le droit préférentiel de souscription ne peut pas être supprimer aux titulaires d’actions de préférence de manière permanente (art. L.225-132 C.com). Néanmoins, dans certains cas prévus par l’alinéa 5 de l’article L.228-11, l’action de préférence perdra de manière automatique son DPS, sauf stipulation statutaire contraire.
« Par dérogation aux articles L. 225-132 et L. 228-91, les actions de préférence auxquelles est attaché un droit limité de participation aux dividendes, aux réserves ou au partage du patrimoine en cas de liquidation sont privées de droit préférentiel de souscription pour toute augmentation de capital en numéraire, sous réserve de stipulations contraires des statuts ».
Ainsi, la moindre limite apportée sur l’un des postes prévus à cet article prive l’action de préférence de son DPS.
Liberté de choix dans les sociétés par actions simplifiées « SAS »
Contrairement aux autres sociétés de capitaux sociétés (SA, SCA), les dispositions de la SAS permettent une grande souplesse statutaire. Cette liberté permet de mettre en place des avantages particuliers à certains associés de manières similaires aux actions de préférence. Il existe donc deux régimes, l’un issu du droit statutaire attaché à la personne, et l’autre résultant des droits attachés aux actions de préférence. Ainsi, il est donc possible de prévoir des avantages particuliers à certains associés par la voie contractuelle, ou par la voie de la création d’actions de préférence (« ADP »).
Toutefois les actions de préférence peuvent présenter certains avantages. Tout d’abord, les droits instaurés par la voie contractuelle sont attachés à la personne et sont incessibles. Au contraire, les droits attachés aux ADP seront transmis lors de la cession des actions. De plus, contrairement aux ADP, les statuts ne peuvent pas supprimer totalement le droit de vote d’un associé.
Dès lors, l’ADP bénéficie d’un avantage certain, tant sur la transmission des droits que sur la modulation des droits de vote.